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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 65

Le mardi 13 juin 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 13 juin 2000

La séance est ouverte à 14 heures, le Président pro tempore étant au fauteuil.

Prière

[Traduction]

Nouveaux sénateurs

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'informer le Sénat que le greffier a reçu du registraire général du Canada les certificats établissant que les personnes suivantes ont été appelées au Sénat:

Raymond G. Squires, C.M.
Jane Marie Cordy

Présentation

Son Honneur le Président pro tempore informe le Sénat que des sénateurs attendent à la porte pour être présentés.

Les honorables sénateurs suivants sont présentés, puis remettent les brefs de Sa Majesté les appelant au Sénat. Les sénateurs, en présence du greffier, prêtent le serment prescrit et prennent leur siège:

L'honorable Raymond G. Squires, C.M., de St. Anthony, Terre-Neuve, présenté par l'honorable J. Bernard Boudreau, c.p., et l'honorable Bill Rompkey, c.p.

L'honorable Jane Marie Cordy, de Dartmouth, Nouvelle-Écosse, présentée par l'honorable J. Bernard Boudreau, c.p., et l'honorable B. Alasdair Graham, c.p.

Son Honneur le Président pro tempore informe le Sénat que chacun des honorables sénateurs susmentionnés a fait et signé la déclaration d'aptitude prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d'attester cette déclaration.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je souhaite chaleureusement la bienvenue à nos deux nouveaux collègues, le sénateur Jane Cordy et le sénateur Raymond Squires. Tous les deux ont apporté une énorme contribution à leurs collectivités locales et à leur région, et on leur a récemment demandé de collaborer à l'avancement de leur pays en les nommant au Sénat du Canada.

Aujourd'hui, j'ai le grand honneur et l'immense plaisir de souhaiter la bienvenue à la Chambre rouge à une concitoyenne de la Nouvelle-Écosse, plus précisément du Cap-Breton, et une amie à moi de longue date, madame le sénateur Jane Cordy. Bien que ce soit la première journée du sénateur Cordy au Sénat, je suis convaincu que, vu ses nombreuses années consacrées à l'éducation et au service communautaire ainsi que sa riche expérience de la politique, elle ne mettra pas de temps à s'adapter à son nouvel environnement et à devenir une participante active au travail du Sénat.

Le sénateur Cordy a enseigné pendant 30 ans dans les écoles de la Nouvelle-Écosse, et elle s'est révélée une éducatrice dévouée. Elle a également été très active au sein de la communauté, oeuvrant bénévolement pour un grand nombre de nobles causes telles que Phoenix House, un refuge pour jeunes sans-abri, le Prix du livre de Dartmouth, l'école primaire du village de Colby et St. Clement's, son église locale à Darmouth.

Je m'attends à ce que l'expérience du sénateur Cordy avec les enfants et les familles, ainsi que son engagement envers le service public, lui permettent d'apporter une précieuse contribution aux travaux de cette Chambre.

Sur une note personnelle, je suis impatient de travailler avec le sénateur Cordy à des dossiers concernant la Nouvelle-Écosse et de profiter de ses connaissances, de son expérience et de son engagement envers les questions importantes touchant notre province natale.

Sénateur Cordy, soyez la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, le sénateur Squires n'est pas étranger à la vie publique. Pendant 20 ans, le sénateur Squires a figuré au nombre des dirigeants municipaux de la localité de St. Anthony, soit 12 ans en qualité de conseiller et 8 ans comme maire.

Dans le domaine du bénévolat, le sénateur Squires a été président de la Chambre de commerce de St. Antony pendant deux ans, président du Club Lions pendant deux ans et président du comité des finances des Services régionaux de santé de Grenfell, dans le nord de Terre-Neuve et Labrador.

Entrepreneur prospère, le sénateur Squires a commencé sa carrière en fondant Squires Garage Ltd., une station d'essence et d'entretien automobile, en 1955. Il a également été le propriétaire et le gérant du St. Anthony Motel pendant 10 ans.

On a reconnu de nombreuses fois l'apport du sénateur Squires à sa collectivité et à son pays. Il est notamment membre à vie du Club international Lions du Canada et du Club Lions de St. Anthony. En 1997, il a reçu l'Ordre du Canada.

Son fort engagement à l'égard du service public dans sa collectivité et dans sa province feront du sénateur Squires un excellent représentant de sa région au Sénat.

Sénateur Squires, nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat.

Des voix: Bravo!

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je suis heureux de me joindre au leader du gouvernement au Sénat pour accueillir nos deux nouveaux collègues qui, comme il l'a signalé, apportent avec eux une expérience du service public qui nous sera sans doute utile à tous. Il est regrettable, cependant, que dans le cas du sénateur Squires, cela ne soit vrai que pour moins d'un an. Étant donné que j'ai déjà fait de la politique au niveau municipal, il est normal que j'aie un préjugé favorable en faveur de ceux qui ont siégé à des conseils municipaux, car les décisions prises là ont un effet plus immédiat sur la vie quotidienne des gens que celles prises aux niveaux provincial et fédéral.

Si on en croit les journaux de St. John's, le sénateur Squires a déclaré qu'il n'a pas encore pris une décision au sujet de ce qu'on appelle, par euphémisme, le projet de loi sur la clarté. Je sais qu'il sera d'accord pour dire que ce n'est pas une mesure législative sur laquelle on peut se prononcer du jour au lendemain. Je suis certain qu'il obtiendra un énorme appui dans son nouveau caucus s'il demande que le projet de loi demeure au comité durant l'été pour lui permettre, ainsi qu'à d'autres, d'avoir suffisamment de temps pour peser le pour et le contre de cette mesure législative.

Honorables sénateurs, le sénateur Cordy a également eu une carrière importante aux niveaux local et régional et les sentiments exprimés au sujet de notre autre nouveau collègue s'appliquent également à elle. Je note, cependant, avec une certaine envie, je le reconnais volontiers, qu'elle siégera dans cette enceinte quelque peu plus longtemps que pratiquement tous les autres sénateurs ici, soit environ 26 ans, à moins que, à l'instar d'un autre nouveau sénateur de la Nouvelle-Écosse, elle ne soit séduite par le son de la sirène libérale et ne cherche à se faire élire à l'autre endroit aux prochaines élections.

Si on en croit les journaux d'Halifax, le sénateur Cordy est enthousiaste au sujet du projet de loi sur la clarté ou, comme certains d'entre nous préfèrent l'appeler, le projet de loi sur l'obscurité. La réflexion est la marque de commerce du Sénat et les sénateurs se livrent constamment à un second examen objectif. Alors que le sénateur Cordy examinera la question de plus près, elle pourra compter sur la sagesse d'un certain nombre de ses collègues, dont certains sont juste en face de moi, et elle pourra également vouloir plus de temps pour prendre une décision définitive sur l'héritage laissé par le premier ministre.

Quoi qu'il en soit, quelle que soit leur décision sur ce projet de loi et d'autres, permettez-moi de féliciter le plus chaleureusement possible les sénateurs Squires et Cordy. L'opposition officielle leur souhaite tout le succès possible dans leurs nouvelles responsabilités.

Des voix: Bravo!


(1420)

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Fête nationale des Philippines

L'honorable B. Alisdair Graham: Honorables sénateurs, dans les dernières décennies qui ont marqué plus de 300 ans de domination espagnole aux Philippines, un jeune étudiant philippin particulièrement brillant a commencé à écrire des romans à saveur politique qui ont eu un impact spectaculaire sur sa patrie. La passion que nourrissait José Rizal à l'égard du nationalisme n'avait rien de révolutionnaire. Pourtant, à son retour aux Philippines en 1892, il a été immédiatement arrêté par les Espagnols qui, complètement paranoïaques, l'ont exécuté en 1896.

Près d'un siècle plus tard, en février 1986, je sortais de ma chambre d'hôtel à Manille pour aller faire une promenade dans le parc de l'autre côté de la rue. Je faisais partie d'une célèbre mission envoyée sur place pour surveiller les élections déclenchées à l'improviste par le président de l'époque, Ferdinand Marcos. C'était la première mission internationale d'observateurs des élections de cette importance. Je n'en revenais pas de la tension qui régnait dans la capitale. Ceux de nous qui ont été témoins du rassemblement d'un million de personnes organisé en faveur de la courageuse Cory Aquino n'étaient absolument pas préparés à la violence et aux terribles mesures d'intimidation qu'allait alors connaître le pays - et qui ont choqué l'opinion mondiale.

Alors que ne pouvant trouver le sommeil, je marchais en réfléchissant à ce qui allait se passer, j'ai vu un monument à la mémoire de José Rizal, le père de l'indépendance philippine. J'ai écrit sur un morceau de papier ce que disait l'inscription sur le monument. Je vous la lis:

Je veux montrer à ceux qui nous refusent le droit au patriotisme que quand nous savons nous sacrifier pour notre devoir et nos convictions, qu'importe la mort si on meurt pour ce qu'on aime - pour sa patrie et pour les êtres qui nous sont chers.

Honorables sénateurs, hier c'était la Fête nationale des Philippines. Le 12 juin 1898, les Philippines se sont libérées du joug de l'Espagne dans une explosion de ferveur nationaliste inspirée en partie par la mort tragique du jeune José Rizal.

La mission d'observation des élections dont j'ai eu l'honneur de faire partie a établi des normes universelles. Cette mission a non seulement changé le monde, mais elle a aussi modifié la vie de tous ceux qui y ont pris part. En raison de la façon dont les gens ont été massivement privés de leurs droits, du vol de boîtes de scrutin et d'irrégularités manifestes dans le décompte des voix, ainsi que de la violence et des meurtres politiques, cette élection marque un point tournant historique dans la conscience de la collectivité mondiale.

Nous étions là lorsque les membres du Mouvement national des citoyens en faveur d'élections libres, ou NAMFREL - une sorte d'armée de citoyens ayant organisé plus de 500 000 bénévoles afin de montrer au monde à quel point l'achat de votes et l'intimidation étaient endémiques - ont risqué leur vie pour l'avenir de leurs enfants et de leurs petits-enfants.

Honorables sénateurs, à l'aube de ce nouveau siècle, nous nous retrouvons souvent dans une situation où nous constatons que nous sommes froidement accoutumés aux éruptions de haine ethnique et à l'horreur des guerres civiles qui continuent de hanter notre planète.

Aujourd'hui, au moment où nous nous penchons sur l'énorme importance de la lutte pour l'indépendance des Philippines - une lutte qui a débuté il y a plus d'un siècle et qui a atteint son apogée à l'occasion des élections historiques de 1986 - nous pensons à ce peuple fier et talentueux et aux leçons qu'il a données au monde au sujet du pur pouvoir de l'esprit humain. Nous avons à l'esprit l'excellente contribution d'un grand nombre de Philippins à la vie et à la société canadiennes. Nous pensons à la ferme détermination dont j'ai eu le privilège d'être témoin dans cet archipel complexe et si beau il y a près de 15 ans.

Le pouvoir du peuple, qui s'est affiché en 1986, a ouvert un nouveau chapitre dans la lutte pour l'obtention de la véritable démocratie en notre ère, mais c'était un nouveau chapitre dans l'évolution d'une histoire concernant le développement démocratique et les droits de la personne. Cette lutte se poursuit. Je prie Dieu que tous les Canadiens continueront à chérir et à protéger les germes de la liberté à l'échelle de la planète, non seulement pour attester des valeurs qui nous tiennent nous-mêmes à coeur, mais aussi en vue d'assurer le cheminement critique vers la création d'un meilleur univers pour nos enfants et petits-enfants.

M. Bill Allen

Hommage

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, lorsque les Pères de la Confédération se sont penchés sur le rôle de la Chambre haute, ils ont pris en considération exactement ce qu'il serait. Un des principaux rôles de cette Chambre consiste à représenter les régions, les minorités et les gens qui n'ont pas vraiment de porte-parole.

Depuis que je suis au Sénat, j'ai remarqué que les membres du personnel assument également ce rôle. Ils participent de leur propre gré à des projets très utiles qui sont souvent négligés. C'est par leur entremise que bien des choses ont été réglées.

Aujourd'hui, je suis très fière, honorables sénateurs, de vous parler d'un de ces membres de notre personnel. Bill Allen, un membre de la vaillante équipe du Service de la Cité parlementaire, se préoccupe vivement des jeunes. Quand il est venu à mon bureau, nous avons discuté de l'Opération retour au foyer, un organisme oeuvrant auprès des enfants sans-abri, qui ont fugué et souffert. Grâce à cet organisme, ces enfants peuvent rétablir un lien avec leur famille, régler leurs problèmes et retourner à la maison.

Il s'agit d'un organisme bénévole pour lequel j'ai eu l'honneur de faire cuire des crêpes et des hamburgers au marché. Mais Bill Allen, lui, a fait beaucoup plus. Il a décidé de se raser les cheveux, la barbe et les sourcils pour amasser des fonds.

J'aimerais saluer Bill Allen, qui se trouve à la tribune.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Chalifoux: Grâce à M. Allen, nous avons pu réunir 4 190 $. Nous espérons toujours pourvoir atteindre la barre des 5 000 $. Cela en dit long sur la générosité du personnel du Sénat.

Une fois de plus, je vous remercie, Bill. Par vos actions, vous nous avez laissé une grande impression à nous tous, et surtout à votre fils.

Des voix: Bravo!

La Semaine nationale de la fonction publique

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, je voudrais m'associer aux propos tenus par ma collègue sur la qualité des services assurés par la fonction publique du Canada. Hier, les journaux canadiens ont, pour la plupart, publié un message du premier ministre, le Très honorable Jean Chrétien, qui disait ceci:

La Semaine nationale de la fonction publique est beaucoup plus qu'une occasion de rendre hommage aux compétences, à la sagesse et au talent des membres de la fonction publique du Canada. C'est aussi l'occasion pour nous de souligner le professionnalisme et le sens du devoir de ces hommes et de ces femmes qui ont choisi de travailler au service des Canadiens et contribuent ainsi à notre qualité de vie incomparable.

Je suis toujours impressionné de constater le soin et la fierté avec lesquels les membres de la fonction publique du Canada s'acquittent de leur tâche. Tous apportent à leur travail une perspective individuelle et une expérience diversifiée, et mettent à contribution leurs nombreux talents pour assurer la prestation de services aux Canadiens, pour élaborer les politiques et les lois qui nous régissent et pour protéger et représenter notre pays.

Pendant cette semaine, joignez-vous à moi pour remercier les membres de la fonction publique du Canada dans chaque ministère et organisme à travers le pays. Leur dévouement est une source de richesse pour chacun d'entre nous.

Ce texte porte la signature du très honorable Jean Chrétien.

[Français]

(1420)

Honorables sénateurs, j'ai eu l'honneur et la joie de servir notre pays tant comme fonctionnaire que comme employée de l'agence publique pendant près de 25 ans. J'ai côtoyé des hommes et des femmes d'une brochette variée de professions, tous et toutes dédiés à servir les Canadiens et les Canadiennes d'un bout à l'autre du pays. La qualité de notre fonction publique, de notre infrastructure humaine est reconnue internationalement.

Pour assurer cette qualité de gouvernance dans les années à venir, la fonction publique est non seulement en renouvellement, mais aussi en pleine informatisation afin d'augmenter son efficacité, sa disponibilité et sa simplification.

Cette informatisation saura attirer nos jeunes Canadiens et Canadiennes qui reconnaîtront dans la fonction publique canadienne non seulement de nombreuses occasions de travailler avec des équipes stimulantes, mais aussi des occasions de se dépasser.

[Traduction]

Honorables sénateurs, en notre qualité de parlementaires, célébrons cette semaine et saluons officiellement l'excellence de la fonction publique du Canada.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, dans la foulée des remarques faites par le sénateur Poulin, je voudrais aussi faire quelques commentaires sur la fonction publique, car c'est la Semaine nationale de la fonction publique.

Nous en sommes fiers, à juste titre, car elle est la meilleure au monde. J'ai passé quelques années à représenter les intérêts de la fonction publique du Canada à la Chambre des communes. Nous avons une fonction publique idéale pour un pays comme le nôtre. Ce sont les fonctionnaires qui font rouler la machine du gouvernement et qui rendent continuellement des services à la population canadienne. Ils apportent une perspective individuelle et une expérience diversifiée. Ensemble, cette diversification forme la base de nos forces. Il y a environ 187 000 employés à la fonction publique du Canada dans près de 70 ministères, si on inclut Revenu Canada. Parmi ces employés, 96 p. 100 croient que leur travail joue un rôle important, 52 p. 100 sont des femmes et parmi celles-ci, 51 p. 100 travaillent à la direction, dans le domaine scientifique et professionnel et de l'administration et du service, alors que cette proportion était inférieure à 40 p. 100 il y a à peine six ans. Le thème de la semaine est «Ensemble, célébrons l'engagement à notre travail et la poursuite de l'excellence».

Je vous invite tous à poser un geste de reconnaissance pour souligner l'excellence et le professionnalisme de ces Canadiennes et Canadiens à qui nous devons une gestion professionnelle et non partisane.

[Traduction]

La communauté ecclésiastique

Les affaires indiennes-Les répercussions financières des procès intentés par d'anciens élèves de pensionnats

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, le 10 juin 2000, des milliers de Canadiens se sont réunis dans leurs régions respectives pour célébrer le soixante-quinzième anniversaire de l'Église unie du Canada, constituée par une loi du Parlement en 1925. Cette Église réunissait pour la première fois dans le monde, au lieu de les diviser, diverses Églises de tradition protestante. Nous nous en réjouissons et vous invitons à en faire autant.

Cependant, il y a une question d'actualité qui appelle non pas à la réjouissance, mais à la créativité. Je fais ici allusion à l'héritage laissé par les pensionnats pour autochtones, sur lequel se penchent non seulement l'Église unie, mais également les Églises anglicane, catholique romaine et presbytérienne. On estime généralement que plus de 10 000 personnes poursuivent actuellement le gouvernement et les Églises pour les politiques d'assimilation culturelle et raciale qui ont entraîné l'effondrement d'une culture et qui ont presque éliminé l'usage des langues autochtones. La situation actuelle est le résultat de la politique sociale d'assimilation, politique historique et, en rétrospective, mal inspirée, mise en place par le gouvernement canadien de l'époque et administrée par les Églises. Il faut maintenant trouver aux conséquences de cette politique une solution sociale créative. Cette question revêt une importance sociale considérable pour l'ensemble du pays.

En fin de semaine dernière, alors que je visitais les édifices du Parlement en compagnie d'un groupe d'Ontariens, le guide nous a fièrement montré une frise, dans le foyer de la Chambre des communes, en nous expliquant qu'elle illustrait un religieux enseignant à un enfant indien. J'ai aussitôt ajouté que ces mêmes religieux faisaient actuellement l'objet de procès.

Nous savons aujourd'hui que l'idéologie dominante du colonialisme et de l'assimilation du peuple indien, avalisée par le gouvernement et les Églises du Canada, reflétait aussi l'opinion publique à l'époque. Cette politique a été mise en oeuvre par de nombreuses institutions mandatées par le gouvernement, notamment les pensionnats pour Indiens. La nécessité de parvenir à un règlement à l'amiable équitable constitue l'une des priorités les plus urgentes pour le Canada à l'heure actuelle.

On a beaucoup insisté sur le fait que les procès actuels et futurs risquaient de réduire considérablement les ressources financières des Églises et pourraient même les acculer à la faillite. Un autre argument, plus sérieux celui-là, fait valoir que de nombreux plaignants décéderont avant qu'un règlement n'intervienne, parce que les faits allégués sont survenus il y a déjà entre 30 et 50 ans, que les frais de justice réduiront considérablement le montant de l'indemnité qu'ils recevront, et que les procès, avec la confrontation qui caractérise le système judiciaire, ne pourront pas remédier aux préjudices causés par les pensionnats.

Si le Canada peut trouver une solution plus créative que les procès, nous pourrons peut-être ainsi démontrer la capacité des Canadiens d'assurer la justice, l'apaisement et la réconciliation entre les peuples autochtones et la société dominante au Canada, un peu comme l'a fait la Commission de vérité et de réconciliation en Afrique du Sud. Nous avons une occasion historique d'établir des relations permanentes, justes et apaisantes entre les Canadiens.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L'état du régime financier canadien et international

Le rapport intérimaire du comité sénatorial permanent des banques et du commerce-Dépôt de la réponse du gouvernement

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse du gouvernement du Canada au quatrième rapport intérimaire du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce intitulé «Loi sur l'expansion des exportations».

[Traduction]

Affaires étrangères

Les faits nouveaux en Russie et en Ukraine-Présentation du rapport budgétaire du comité sur l'étude

L'honorable Peter A. Stollery, président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, présente le rapport suivant:

Le mardi 13 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères a l'honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre Comité, qui a été autorisé par le Sénat le 9 mai 2000 à examiner, pour en faire rapport, les faits nouveaux en matière de politique, de questions sociales, d'économie et de sécurité en Russie et en Ukraine, en tenant compte des politiques et des intérêts du Canada dans la région, ainsi que d'autres sujets connexes, demande respectueusement que le comité soit autorisé à retenir les services d'avocats, de conseillers techniques et de tout autre personnel jugé nécessaire, et de voyager à l'intérieur et à l'extérieur du Canada.

Le budget fut présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, et dans son dixième rapport le Comité de la régie interne a fait la recommandation que 74 637 $ soit libérés pour cette étude. Ce rapport fut adopté par le Sénat le mercredi 7 juin 2000.

Respectueusement soumis,

Le président,
PETER STOLLERY

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Stollery, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Agriculture et forêts

L'état actuel et futur des forêts-Présentation du rapport budgétaire du comité sur l'étude

L'honorable Ross Fitzpatrick, au nom du sénateur Gustafson, président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, présente le rapport suivant:

Le mardi 13 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Votre Comité, qui a été autorisé par le Sénat le 24 novembre 1999 à étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir des forêts au Canada, demande respectueusement que le comité soit autorisé à retenir les services d'avocats, de conseillers techniques et de tout autre personnel jugé nécessaire; ainsi qu'à se déplacer d'un endroit à l'autre au Canada et à l'étranger aux fins de cette étude.

Le budget fut présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration le jeudi 6 avril 2000. Dans son dixième rapport, le Comité de la régie interne a fait la recommandation que 184 275 $ soit libérés pour cette étude. Ce rapport fut adopté par le Sénat le mercredi 7 juin 2000.

Respectueusement soumis,

Le président,
LEONARD J. GUSTAFSON

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Fitzpatrick, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

(1430)

Le comité de sélection

Présentation du septième rapport

L'honorable Léonce Mercier, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant:

Le mardi 13 juin 2000

Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Conformément à l'article 85(1)b) du Règlement du Sénat, votre Comité présente la liste des sénateurs qu'il a désignés pour faire partie des comités particuliers suivants:

COMITÉ SPÉCIAL DU SÉNAT SUR LES DROGUES ILLICITES

Les honorables sénateurs Carstairs, Kenny, Nolin, Pépin et Rossiter.

Respectueusement soumis,

Le président,
LÉONCE MERCIER

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Mercier, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

La Loi sur la radiodiffusion

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable Sheila Finestone présente le projet de loi S-24, modifiant la Loi sur la radiodiffusion.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Finestone, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 15 juin 2000.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les transports

Marine Atlantique-L'avenir des emplois établis à North Sydney, au Cap-Breton

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, qui est l'un de mes Néo-Écossais préférés. Je souhaite la bienvenue à la nouvelle Néo-Écossaise au Sénat et je lui offre tous mes voeux de succès alors qu'elle entreprend une autre carrière au service du public. Je sais qu'elle sera un atout précieux pour le Sénat.

Comme le sait le leader du gouvernement, le premier ministre de Terre-Neuve et du Labrador, qui brigue la direction du Parti libéral, fait circuler des tas de rumeurs négatives au sujet du sort du siège social de Marine Atlantique à North Sydney, mettant en cause 250 emplois et des services dont l'approvisionnement des traversiers qui est actuellement fait en Nouvelle-Écosse par des Néo-Écossais. D'aucuns pensent que Marine Atlantique appartient strictement à Terre-Neuve et au Labrador et que tous les emplois à Marine Atlantique, et je cite certains Terre-Neuviens, «doivent aller à Terre-Neuve et au Labrador, sauf ceux des deux personnes qui amarrent le traversier à North Sydney».

Le ministre originaire de la Nouvelle-Écosse peut-il assurer aux Néo-Écossais que le personnel du siège social, le personnel chargé des réservations, des achats et approvisionnements, et de la manutention, restera à North Sydney où il est depuis des générations? Peut-il garantir que tout nouvel employé embauché par la société d'État sera jugé d'après ses qualifications et non d'après sa province d'origine?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur de sa question et je le remercie de la générosité de son accueil envers notre nouveau sénateur et collègue de la Nouvelle-Écosse. Je suppose qu'à un moment elle fut représentée par l'honorable sénateur.

Le sénateur Forrestall: C'est exact.

Le sénateur Boudreau: Je ne sais pas où elle en était à l'époque en ce qui a trait à son appui personnel, mais je suis sûr qu'elle fut bien servie par le sénateur du temps ou il était député en l'autre endroit.

En ce qui concerne CN Marine, je suis tout à fait d'accord avec le sénateur. C'est une société d'importance nationale et ses employés ne devraient pas, par définition, être originaires d'une région donnée du pays. J'ai reçu des commentaires de personnes à North Sydney qui s'inquiètent de l'avenir des emplois situés à North Sydney. Une de ces interventions provient du député provincial, qui s'appelle aussi Boudreau et qui a remporté le siège que j'occupais. J'aime à penser que c'est grâce à notre nom commun, mais il y a peut-être eu d'autres raisons. Quoi qu'il en soit, ce député, les dirigeants syndicalistes ainsi que certains des travailleurs m'ont signalé la question.

J'ai demandé des assurances aux ministres, et ils m'ont garanti qu'aucun poste situé actuellement à North Sydney ne serait déplacé.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je me félicite de cette réponse et je vous en remercie. Nous pourrions peut-être aller un peu plus loin dans la réponse à la question qui suit.

Comme le ministre le sait, le taux officiel de chômage au Cap-Breton est de 16 à 17 p. 100. Malheureusement, le taux réel est bien plus élevé. Le Cap-Breton ne peut pas se permettre de perdre d'autres emplois, le ministre le sait. La province doit et veut savoir où en est Marine Atlantique. Est-elle seulement au service de Terre-Neuve et du Labrador, ou est-ce une société d'État qui sert les intérêts des deux provinces?

Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse s'inquiète tellement des querelles qu'il a écrit au premier ministre du Canada en faisant tenir copie de la lettre au leader du gouvernement au Sénat. J'ajouterai qu'il n'y a toujours pas eu de réponse.

Le ministre de la Nouvelle-Écosse donnera-t-il aux Néo-Écossais l'assurance que le personnel du siège social, des services de réservation, des achats et des entrepôts et de la manutention restera à North Sydney, et que les nouveaux employés seront engagés en fonction de leurs compétences et non de leur lieu de résidence?

Le sénateur Boudreau: C'est l'assurance générale que j'ai demandée, honorables sénateurs, et c'est celle que m'a donnée le ministre.

Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur. J'insiste aussi sur le fait qu'aucun emploi ne devrait être automatiquement accordé à des candidats en fonction de leur lieu de résidence. CN Marine n'est pas une société de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, c'est une société canadienne.

(1440)

Des gens de tout le pays utilisent régulièrement ses services pour visiter Terre-Neuve, et les Terre-Neuviens l'utilisent également. Cette société appartient à tout le pays. Cela ne veut pas dire que, parfois, certains emplois n'ont pas été déplacés dans certaines régions. L'assurance que j'ai donnée aux intéressés, c'est que je me suis entretenu avec le ministre, et il m'a dit qu'aucun emploi ne sera déplacé de North Sydney.

Je suis également au courant de la lettre que le premier ministre de la Nouvelle-Écosse a adressée au premier ministre du Canada. Je suis convaincu que notre premier ministre lui donnera la même assurance, mais j'en discuterai également avec le premier ministre de la province.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, le ministre pourrait-il demander au premier ministre s'il ne voudrait pas faire parvenir une réponse par écrit au premier ministre de la Nouvelle-Écosse?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, le sénateur Forrestall a fait une bonne suggestion. C'est ce que je ferai.

L'environnement

La possibilité d'accroître le financement de la recherche sur l'eau douce-On demande une politique nationale sur l'eau douce

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

J'ai récemment posé des questions au sujet de M. David Schindler. Comme les sénateurs le savent, il est un des scientifiques les plus respectés du Canada. Les recherches qu'il a menées sur les pluies acides, dans les années 70 et 80, ont contribué à l'élaboration de lois environnementales dans le monde entier. Il a reçu l'équivalent de deux prix Nobel de fondations suisses. Il vient de réaliser une étude, qui sera publiée sous peu, sur l'état de l'eau douce au Canada. Son étude a été examinée par John Smol, éminent scientifique en eau douce à l'Université Queen's. Ce dernier a dit que M. Schindler avait mis dans le mille.

M. Schindler a prédit que les effets combinés des changements climatiques, des pluies acides, des eaux-vannes et des déchets d'élevage, de l'accroissement des rayons ultraviolets, des produits toxiques libérés dans l'atmosphère et des envahisseurs biologiques entraîneront la détérioration de l'eau douce au Canada à un degré jamais imaginé jusqu'ici. Il a dit que, à défaut d'un financement accru de la recherche sur l'eau douce et d'une stratégie nationale sur l'eau, l'eau douce constituera la plus importante crise écologique au Canada, dès le début du XXIe siècle.

Je pose régulièrement des questions concernant la recherche. Bien sûr, le ministre sait que la recherche sur les pluies acides, en particulier en ce qui concerne les lacs expérimentaux, a été considérablement réduite quand le gouvernement a commencé à s'attaquer au déficit.

Quelles sont les chances d'une hausse du financement affecté à la recherche sur les eaux douces, type de recherche pour lequel le professeur Schindler ne pouvait obtenir de fonds gouvernementaux, sous prétexte qu'il fallait trouver des partenaires dans l'industrie? De plus, quelles sont les chances que le Canada adopte une politique nationale sur les eaux douces?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur pour sa question. Comme elle l'a fait remarquer, cette question a déjà été discutée au Sénat. Je ne vais pas répéter tous les programmes cadres...

Le sénateur Spivak: De grâce, non, je suis parfaitement au courant.

Le sénateur Boudreau: ...sur la R-D qu'a lancés le gouvernement, peu importe leur valeur ou leur importance.

Je présume que l'honorable sénateur voudrait un programme consacré spécialement à l'intégrité de l'approvisionnement en eau douce du Canada. Bien sûr, j'attendrai le rapport que le professeur Schindler est en train de rédiger et qu'il doit publier sous peu. Évidemment, compte tenu de certains événements qui se sont produits au Canada dernièrement, l'intégrité environnementale de notre approvisionnement en eau douce est un sujet très important et opportun, qui devra d'ailleurs être étudié sérieusement tant au niveau fédéral que provincial.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, le point important sur lequel insiste le professeur Schindler est que les demandes visant cet approvisionnement sont multiples. Une combinaison de facteurs sont apparus de nos jours et confèrent à ce dossier un caractère urgent.

Au sujet de la deuxième partie de ma question concernant une politique nationale sur l'eau, à laquelle divers gouvernements ont fait allusion - je pense même qu'un projet de loi est mort au Feuilleton - et vu que le ministre de l'Environnement a dit que l'eau n'était pas une responsabilité fédérale, le gouvernement envisage-t-il l'adoption d'une telle politique? On peut toujours invoquer la disposition sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de ne pas répondre au second volet de la question du sénateur. Je vais certes demander au ministre de l'Environnement quels sont ses sentiments et ses projets à l'égard de la mise au point d'une stratégie nationale.

Si l'approvisionnement en eau douce du Canada est menacé à ce point, je me demande bien, en tant que néophyte dans ce domaine, ce que cela doit être dans le reste du monde.

L'Énergie atomique du Canada limitée

La possibilité de privatisation

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat me dira-t-il si le gouvernement a pris la décision stratégique de privatiser partiellement ou totalement l'Énergie atomique du Canada limitée?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais rien pour le moment d'une telle décision stratégique, mais je vais m'informer pour le sénateur auprès du ministre.

Réponse différée à une question orale

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question que le sénateur Forrestall a posée le 7 juin 2000 au Sénat au sujet du remplacement des hélicoptères Sea King et de la possibilité d'une annonce imminente de l'achat de matériel.

La défense nationale

Le remplacement des hélicoptères Sea King-La possibilité d'une annonce imminente d'achat de matériel

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme la question est d'actualité, je vais lire la réponse: le ministre de la Défense nationale n'a pas réservé la salle de presse Charles Lynch pour le mardi 13 juin.
[Français]

Le Programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, il me fait plaisir de vous présenter les pages de la Chambre des communes qui sont ici cette semaine dans le cadre du programme d'échange avec le Sénat.

Natalie Courcelles est déjà à l'oeuvre, comme vous le voyez! Elle est originaire de Sainte-Agathe, au Manitoba, et poursuit ses études en espagnol à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa.

Karine Rozon, de Cornwall, en Ontario, poursuit ses études en mathématiques à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. J'espère que vous trouverez votre semaine parmi nous intéressante et instructive.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur la défense nationale
La Loi sur l'identification par les empreintes génétiques
Le Code criminel

projet de loi modificatif-Message des Communes

Son Honneur le Président pro tempore annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message par lequel elle retourne le projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et le Code criminel, et informe le Sénat qu'elle a adopté ce projet de loi sans amendement.

[Traduction]

Projet de loi de 1999 pour la mise en oeuvre de conventions fiscales

Message des Communes

Son Honneur le Président pro tempore annonce qu'il a reçu des Communes le projet de loi S-3, Loi mettant en oeuvre un accord, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et le Kirghizistan, le Liban, l'Algérie, la Bulgarie, le Portugal, l'Ouzbékistan, la Jordanie, le Japon et le Luxembourg, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, accompagné d'un message où elles disent avoir adopté le projet de loi sans propositions d'amendement.

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais mettre à l'étude, comme premier point, l'article inscrit à mon nom à la rubrique «Motions» qui se rapporte au projet de loi C-12.

[Français]

(1450)

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif-Recours au règlement-Décision du Président-Adoption de la motion d'annulation

L'ordre du jour appelle:

Motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Mercier,

Que, nonobstant les paragraphes 63(1) et 63(2) du Règlement, les délibérations portant sur le projet de loi C-12, Loi modifiant la partie II du Code canadien du travail portant sur la santé et la sécurité au travail, apportant des modifications matérielles à la partie I du Code canadien du travail et modifiant d'autres lois en conséquence, qui ont eu lieu le jeudi 1er juin 2000, soient déclarées nulles et non avenues; et

Que le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure procède à un examen et fasse des recommandations relativement à la procédure décrite comme suit dans l'ouvrage Parliamentary Practice de Erskine May, 22e édition, à la page 545: «Si un projet de loi est transmis à l'autre Chambre par erreur, ou si toute autre erreur grave est découverte, un message est envoyé pour que le projet de loi soit retourné ou l'erreur corrigée.»

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, le jeudi 8 juin dernier, le leader adjoint du gouvernement, le sénateur Hays, a présenté une motion comportant deux objectifs. Le premier demande l'annulation des délibérations qui se sont déroulées jusqu'à maintenant sur le projet de loi C-12 modifiant la partie II du Code canadien du travail. La deuxième demande que la question des messages entre les deux Chambres et les projets de loi défectueux soit renvoyée au Comité des privilèges, du Règlement et de la procédure. Sur ce, le sénateur Lynch-Staunton, chef de l'opposition, a invoqué le Règlement en alléguant que la motion était irrecevable en procédure. Ses propos ont donné lieu à de nombreuses interventions par différents sénateurs. Durant ces échanges, diverses objections ont été soulevées relativement à la motion, en plus des objections avancées par le sénateur Lynch-Staunton. Il a également été question de la procédure au Sénat portant sur la suspension d'un article du Règlement, l'annulation de décisions et les motions multiformes.

[Traduction]

J'ai relu les Débats du Sénat de jeudi dernier. J'ai aussi étudié les précédents canadiens et britanniques et consulté mes conseillers en procédure. Je suis prêt à rendre ma décision et, ce faisant, j'essaierai de répondre à chacun des points soulevés.

Il se pose la question de savoir si la motion est légitime sur le plan de la procédure étant donné qu'elle semble contrevenir délibérément à certains articles explicites du Règlement du Sénat. Rappelons que l'alinéa 58(1)a) permet de le faire. En effet, un sénateur est autorisé, après en avoir donné avis, à présenter une motion demandant la suspension partielle ou complète d'une règle. Je crois comprendre que la motion du sénateur Hays vise, en partie, à suspendre l'application de l'article 63, lequel prévoit un mécanisme pour abroger une décision. Au lieu de cela, le sénateur désire que soient déclarées complètement nulles et non avenues les délibérations portant sur la présentation et la première lecture du projet de loi C-12.

[Français]

Je ne suis pas convaincu que le cas qui nous concerne constitue réellement une question de fond. En expliquant le bien-fondé de sa motion, le leader adjoint du gouvernement a indiqué que c'est par excès de prudence qu'il a mentionné l'article 63 dans sa motion. À son avis, la présentation d'un projet de loi et sa première lecture ne relèvent pas, à strictement parler, de l'article 63. J'estime que c'est là une analyse raisonnable.

[Traduction]

Le paragraphe 23(2) du Règlement porte que:

L'introduction et la première lecture des projets de loi du gouvernement et des projets de loi publics et privés sont des étapes de pure formalité, qui sont franchies sans débat ni vote par appel nominal. Le paragraphe 65(3) du Règlement ne s'y applique pas.

[Français]

Autrement dit, la présentation et la première lecture d'un projet de loi n'appellent pas réellement de décision du Sénat. Lorsqu'un projet de loi est déposé, les Journaux indiquent seulement, depuis 1991, que le projet de loi a été lu une première fois. Accessoirement, un ordre est alors adopté pour fixer le jour où le projet de loi sera appelé en deuxième lecture. Par conséquent, une motion visant à annuler les délibérations entourant la présentation et la première lecture d'un projet de loi n'a pas à se reporter à l'article 63, lequel concerne «un ordre, une résolution ou autre décision» du Sénat. Si la motion d'annulation était adoptée, l'ordre fixant la date du début de la deuxième lecture du projet de loi serait révoqué et supprimé du Feuilleton, étant donné qu'il serait frappé de nullité.

[Traduction]

Comme je l'ai fait remarquer, l'article 63 a suscité un débat considérable jeudi dernier. Tout en estimant que l'article ne concerne pas directement la motion du sénateur Hays, j'aimerais profiter de l'occasion pour commenter une référence avancée par le sénateur Boudreau. Dans son intervention, le leader du gouvernement a cité l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui dit que «les questions soulevées dans le Sénat seront décidées à la majorité des voix [..].». Normalement, en tant que Président, je ne me sentirais pas autorisé à m'engager dans ce genre de question, mais ce cas-ci fait exception puisque l'article 36 est repris mot pour mot dans le paragraphe 65(5) de notre Règlement.

[Français]

À mon avis, il y a conflit entre l'article 65(5) et l'article 63, ainsi que l'article 58(2), les deux établissant que l'abrogation ou la correction d'un ordre, d'une résolution ou d'une autre décision du Sénat n'a lieu qu'avec le consentement d'au moins les deux tiers des sénateurs. Étant donné l'origine de l'article 65(5), il pourrait être utile que le Comité des privilèges, du Règlement et de la procédure détermine la validité d'une règle qui semble contredire un article précis de la Constitution.

[Traduction]

Il a aussi été question de la complexité de la motion. Selon une des objections, la motion est invalidée du fait de contenir plus d'une proposition. Je ne souscris pas à cet argument. Bien que la motion contienne en effet deux propositions distinctes, cela ne la rend pas inacceptable pour autant. Dans ce cas-ci en particulier, parce qu'il semble exister une relation ou un rapport entre les deux éléments, j'estime que la motion est recevable.

Comme je l'ai expliqué, je considère que la motion du leader adjoint du gouvernement est acceptable en procédure. Elle aurait pour effet de rendre nulles toutes les délibérations liées au message qui a été reçu le 1er juin concernant le projet de loi C-12. Il a été largement reconnu et admis jeudi dernier que la motion a pour objet de présenter une version corrigée du projet de loi. Apparemment, il y avait des erreurs de rédaction dans la version du projet de loi C-12 qui a été originalement transmise par la Chambre des communes au Sénat. Lorsque l'erreur a été découverte à la Chambre des communes, le projet de loi corrigé a été réimprimé. Le Sénat doit maintenant être saisi de cette information pour qu'il puisse exécuter son travail correctement avec la bonne version du projet de loi.

[Français]

Motivant son recours au Règlement, le sénateur Lynch-Staunton a soutenu que la façon reconnue et traditionnelle de procéder est d'envoyer un message. Le chef de l'opposition soutient que la Chambre où l'erreur est survenue doit envoyer un message pour rappeler le projet de loi. Le chef de l'opposition a cité plusieurs exemples survenus au Parlement britannique où des projets de loi entachés d'erreur transmis d'une Chambre à l'autre ont été rappelés par l'envoi d'un message. Il se trouve que cette procédure n'est pas étrangère au Parlement canadien. Il existe un précédent qui remonte à 1913. À cette occasion, la Chambre des communes a envoyé au Sénat un projet de loi qui était défectueux concernant une entreprise de voie navigable. Le 20 février 1913, le parrain du projet de loi à la Chambre des communes a fait adopter une motion demandant que le projet de loi soit retourné par le Sénat parce que la version imprimée différait de la version adoptée.

[Traduction]

Je suis tout à fait d'accord pour dire que l'envoi de messages entre les deux Chambres constitue l'avenue officielle de choix pour corriger des problèmes de cette nature. En outre, je comprends l'irritation qui semble sous-tendre la majeure partie de ce recours au Règlement. Néanmoins, mon obligation à titre de Président du Sénat est d'assurer le maintien des usages et du Règlement du Sénat. Dans ce cas-ci, je dois dire qu'il existe une solution de rechange valable. Cette option est reconnue dans le passage d'Erskine May qui a été cité par le sénateur Hays et par le sénateur Lynch-Staunton. À la page 545 de la 22e édition, il est dit que:

Si un projet de loi est transmis à l'autre Chambre par erreur, ou si toute autre erreur grave est découverte, un message est envoyé pour que le projet de loi soit retourné ou l'erreur corrigée.

[Français]

La motion du sénateur Hays a pour objet de recourir à cette option pour corriger l'erreur de typographie dans le projet de loi C-12. En optant pour cette approche, il utilise un moyen qui a été accepté le mois dernier lorsque nous avons été confrontés à un problème semblable avec le projet de loi C-22 portant sur le blanchiment de l'argent. Les honorables sénateurs se souviendront qu'à cette occasion, le 11 mai, le sénateur Hays a déposé une motion demandant que les délibérations portant sur le dépôt et la première lecture du projet de loi C-22 soient déclarées nulles et non avenues. Comme l'indiquent les Journaux de ce jour-là, à la page 594, la motion a été adoptée après un court débat. Plus tard, au cours de la même séance, un message a été lu et il a été suivi par la présentation et la première lecture du projet de loi C-22. Ce message contenait bien sûr la version corrigée du projet de loi C-22.

[Traduction]

(1500)

La procédure utilisée relativement au projet de loi C-22 était raisonnable et acceptable à tous les points de vue. En l'absence d'un message demandant le rappel du projet de loi défectueux il n'y a aucune raison pour laquelle on ne pourrait pas recourir à l'approche proposée dans la motion du sénateur Hays. J'ajoute que le deuxième élément de la motion du sénateur Hays, si celle-ci était acceptée, demanderait au Comité des privilèges, du Règlement et de la procédure d'étudier la question et de recommander des mesures qui pourraient mieux aider à résoudre des situations semblables à l'avenir.

Le débat sur la motion peut maintenant commencer.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, en prenant la parole sur cette motion, je voudrais préciser que beaucoup a été dit sur cette question. Je me dois donc d'être bref.

Je demande simplement aux honorables sénateurs d'appuyer la motion qui déclarerait nulle la première lecture du projet de loi C-12 qui est actuellement inscrit au Feuilleton. Autrement dit, la motion nous permettrait de faire table rase au Feuilleton afin de pouvoir présenter pour première lecture la version corrigée du projet de loi C-12 que nous a fait parvenir l'autre endroit.

Il s'agit d'une question complexe dont personne ici ne trouve à se réjouir. Il est toujours préférable de faire les choses comme elles doivent être faites. De temps à autre, nous commettons des erreurs, et ils en commettent aussi à l'autre endroit. Lorsque cela se produit, il faut corriger ces erreurs. Je suis heureux que nous puissions finalement mettre un terme à cette affaire.

La motion demande également au Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure d'examiner cette affaire et d'étudier les différentes options dont nous disposons pour régler de telles situations.

Je termine là-dessus, honorables sénateurs, ce que j'avais à dire à l'appui de la motion. Je serai heureux de répondre à vos questions.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de prendre part au débat, mais le sénateur Hays a anticipé sur ce que le Sénat fera après avoir adopté la motion. Il a parlé d'un message qui nous parviendrait de l'autre endroit avec un parchemin. Il ne serait pas inutile que les honorables sénateurs comprennent la forme et le contenu du message qui nous parviendra.

S'agit-il d'un nouveau message? Quelle sera la portée de ce message? Nous pourrions nous arrêter à cela lorsque nous aurons reçu ce message, après l'adoption de la motion dont nous sommes saisis, mais peut-être des honorables sénateurs ont-ils des opinions sur la question. Nous anticipons en quelque sorte les événements qui suivront la décision du Sénat sur la motion.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je ferai comme s'il s'agissait d'une question et je tenterai d'y répondre du mieux que je peux. Je n'ai pas eu entre les mains le deuxième parchemin, mais j'ai cru comprendre, d'après les propos de Son Honneur, que l'autre endroit nous avait envoyé un parchemin dûment signé et acceptable à tous égards.

Toute cette affaire découle du fait que nous avons déjà adopté en première lecture un document semblable que nous avions reçu.

Durant le débat sur le sujet, on a demandé comment nous pouvions savoir si cette version était la bonne. Je répondrai au sénateur Kinsella en disant qu'il est très rare que des erreurs se produisent dans le parchemin. Nous pouvons seulement supposer que ce que nous recevons de l'autre endroit est exact, particulièrement dans ce genre de situation. Il y avait une erreur dans le parchemin, et la Chambre des communes a choisi de régler le problème en nous envoyant un parchemin rectifié. On a employé les expressions «le projet de loi adopté» et «la réimpression du projet de loi adopté».

Nous attendons que les greffiers au bureau aient l'occasion de présenter, de la façon prévue dans le Règlement du Sénat, la réimpression du projet de loi C-12 adopté par la Chambre des communes, le 31 mai de cette année.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

[Français]

le code canadien du travail

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président pro tempore annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-12, Loi modifiant la Partie II du Code canadien du travail, portant sur la santé et la sécurité au travail, apportant des modifications matérielles à la Partie I du Code canadien du travail et modifiant d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): J'invoque le Règlement, honorables sénateurs. Pourrions-nous savoir où ce document sera déposé et quand il pourra être examiné par l'opposition?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Pour répondre à ce rappel au Règlement, honorables sénateurs, je crois qu'il est juste de dire que ce projet de loi sera désormais traité de la même façon que tous les projets de loi qui sont présentés, lus pour la première fois et inscrits au Feuilleton conformément au Règlement du Sénat, et que le document pourra être consulté au bureau. J'espère que ces renseignements seront utiles au sénateur Kinsella.

Le sénateur Kinsella: Le document peut être consulté au bureau, n'est-ce pas?

Le sénateur Hays: Oui.

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je me demande si je peux exercer ma prérogative maintenant et demander que, dans les affaires du gouvernement, le prochain article à l'ordre du jour à être appelé, soit l'article 4 qui figure sous la rubrique «Projets de loi», en l'occurrence l'étude du projet de loi C-11, qui porte sur la Société de développement du Cap-Breton.

(1510)

Projet de loi autorisant la Société de développement du Cap-Breton à aliéner ses biens et prévoyant la dissolution de celle-ci

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-11, Loi autorisant l'aliénation des biens de la Société de développement du Cap-Breton et permettant sa dissolution, modifiant la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, le projet de loi C-11 constitue un jalon, un point tournant pour la population et l'économie du Cap-Breton. Cette mesure législative s'inscrit dans une démarche équilibrée qui reconnaît que les habitants du Cap-Breton ne veulent pas passer leur vie à regarder dans le rétroviseur au lieu de profiter, dans un climat de confiance et d'assurance, des possibilités que l'avenir leur réserve, à eux et à leur collectivité.

En gros, le projet de loi C-11 vise à autoriser la Devco à vendre l'ensemble ou une bonne partie de ses biens au secteur privé. La participation directe du gouvernement fédéral aux activités d'exploitation charbonnière, participation qui a commencé en 1967 avec la création de la Devco, prendra ainsi fin. Cependant, le fait que le gouvernement ne participe plus directement à l'exploitation charbonnière ne signifie pas la fin de l'engagement du gouvernement à assurer le bien-être des habitants du Cap-Breton. Cet engagement se poursuivra.

Les sénateurs connaissent bien l'histoire de la Devco parce que, en 1996, le Sénat a créé le Comité spécial sur la Société de développement du Cap-Breton, comité qui a vu son mandat renouvelé en 1997 pour pouvoir tenir d'autres audiences. Compte tenu du travail qui a été accompli et des rapports qui ont été déposés, je n'ai pas l'intention de scruter le passé dans ses moindres détails, mais je trouve important de situer ce projet de loi dans une juste perspective.

En 1965, la Dominion Steel and Coal Company, qui exploitait la plupart des mines de la région, était acculée à la faillite et a annoncé son intention de se retirer de toutes ses activités d'exploitation minière. À l'époque, environ 6 000 personnes travaillaient dans les mines de charbon.

En 1967, le gouvernement fédéral est intervenu en établissant la Société de développement du Cap-Breton, ou Devco. Cette société était composée de deux divisions opérationnelles: la division de l'extraction houillère et la division du développement industriel. La division du développement industriel avait pour mandat de stimuler la création d'emploi dans un autre domaine de l'économie, l'industrie houillère étant rationalisée. En 1988, ses responsabilités ont été transférées à la Société d'expansion du Cap-Breton, qui n'est pas touchée par cette mesure législative.

L'autre division de la Devco, la division de l'extraction houillère, a repris les concessions de la société Dominion Steel and Coal en 1968. Depuis, le gouvernement fédéral a fortement subventionné ses opérations, même lorsque la production houillère et l'emploi dans cette industrie ont chuté.

À partir de 1984-85, on a demandé à la Devco d'adopter une orientation commerciale et de se concentrer plus sur les principes commerciaux en vue de réduire les pertes d'exploitation continuelles. En 1991, la société a reçu le mandat de parvenir à une autonomie financière d'ici 1995. En dépit des gros efforts déployés par tous, la société n'a pas réussi à atteindre cet objectif.

En 1999, sur la recommandation du conseil d'administration de la Devco, le gouvernement a accepté d'éliminer progressivement les activités d'exploitation de la mine Phalen, l'une des deux dernières mines de la Devco, et de privatiser les actifs restants de la société. Au moment de l'annonce et au cours du mois qui a suivi, le gouvernement a accepté de faire grâce à la société de 69 millions de dollars d'emprunts et de lui accorder 150 millions de dollars de fonds supplémentaires pour continuer son exploitation jusqu'au 31 mars 2000. Des fonds supplémentaires seront sans aucun doute demandés au Trésor pour cette année fiscale. De plus, on peut présumer sans craindre de se tromper que le passif environnemental éventuel va incomber au gouvernement du Canada.

Les derniers capitaux accordés à la Devco pour maintenir ses activités minières viennent s'ajouter à près de 1,6 milliard de dollars que le gouvernement, étant son seul actionnaire, a investis dans la Devco depuis 1967. Au cours des 32 années où la Devco a mené des activités d'extraction houillère, il y a seulement une année où elle n'a pas reçu d'aide financière de la part du gouvernement. Les gouvernements fédéraux successifs, y compris le gouvernement actuel, ont manifestement fait de gros efforts pour appuyer l'industrie houillère au Cap-Breton.

Quand le gouvernement a annoncé, tôt l'an dernier, son intention de privatiser la Devco, il s'est dit sans équivoque déterminé à faire deux choses: appuyer les employés de la Devco et aider le Cap-Breton à traverser une difficile période de transition. Mon collègue et prédécesseur immédiat, le sénateur Graham, a vivement soutenu que, étant donné les moments difficiles que vivait le Cap-Breton, il fallait, au nom de la justice et de l'équité, répondre aux besoins à la fois des mineurs et de la collectivité où ils habitent.

À la suite de la fermeture prévue de la mine Phalen et de la privatisation des avoirs restants, essentiellement la mine Prince, l'effectif des mines de charbon allait passer d'environ 1 600 à 500 travailleurs. En vue d'aider les 1 100 employés mis à pied, le gouvernement a annoncé un programme d'indemnités de départ et de retraite anticipée de 111 millions de dollars. Quand Devco a décidé, pour des raisons géologiques et de sécurité, de fermer la mine Phalen un an plus tôt que prévu, le gouvernement a annoncé qu'il réévaluerait son programme.

Étant donné la situation, il a acquiescé à la demande du syndicat pour un arbitrage exécutoire en vertu du Code canadien du travail et a accepté l'arbitre qu'il avait choisi, soit M. Bruce Outhouse. M. Outhouse est considéré en général comme étant l'arbitre le plus expérimenté, le plus respecté et le plus compétent de la Nouvelle-Écosse. Plus tôt ce mois-ci, il a publié son rapport final dans lequel il exige une plus grande admissibilité à la retraite anticipée ainsi qu'une assurance médicale améliorée. Cette décision se traduira par une hausse des fonds affectés au programme d'environ 50 millions de dollars, ce qui portera le total à plus de 160 millions de dollars. Quels que soient les critères, il s'agit d'une somme considérable.

Honorables sénateurs, la privatisation des activités de la Devco et la fermeture de la mine Phalen auront des répercussions non seulement sur les mineurs et leurs familles, mais sur la collectivité dans son ensemble. Le gouvernement l'a clairement reconnu lorsqu'il a annoncé qu'en plus des dispositions touchant les ressources humaines dont je viens de parler, il y aurait 68 millions de dollars de fonds fédéraux pour le développement économique du Cap-Breton. Bien entendu, ces fonds vont venir s'ajouter aux fonds gouvernementaux normalement utilisés aux fins du développement économique. Plus particulièrement, cela vient s'ajouter à ce qui a déjà été fourni par l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et par la Société d'expansion du Cap-Breton. En fait, depuis 1967, l'APECA, la SECB et l'ancienne division de développement industriel de la Devco ont touché plus de 500 millions de dollars du gouvernement fédéral à des fins de développement économique au Cap-Breton. Je ne parle même pas des programmes comme ceux offerts par le ministère du Développement des ressources humaines, qui a aussi beaucoup investi au fil des ans pour favoriser le développement économique du Cap-Breton.

L'objectif du nouveau fonds de développement économique de 68 millions de dollars, qui a été accru de 12 millions de dollars par le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse, pour un total de 80 millions de dollars, est de favoriser la croissance économique durable à long terme. On va donner aux gens du Cap-Breton les moyens d'envisager l'avenir avec une certaine confiance en sachant qu'ils ne sont pas seuls et que le gouvernement fédéral sera là pour les accompagner comme il l'a fait dans le passé.

Pour veiller à ce que ce fonds ne permette pas simplement au gouvernement fédéral d'imposer sa propre vision du développement économique aux gens du Cap-Breton, on a tenu l'année dernière d'importantes consultations publiques dans toute l'île. Un comité consultatif, où on retrouvait notamment, soit dit en passant, notre ancienne collègue, le sénateur Peggy Butts, a reçu 214 témoins et 210 mémoires. Le rapport du comité, qui a été publié plus tôt cette année, montre que les gens du Cap-Breton ne manquent pas de confiance ou d'idées pour l'avenir.

Selon moi, ils ont raison d'avoir confiance. Juste au mois de mars dernier, avec un investissement de 7 millions de dollars provenant du fonds de développement économique, la société Electronic Data Systems a annoncé qu'elle allait établir à Sydney un nouveau centre de service à la clientèle qui créerait jusqu'à 900 nouveaux emplois. La construction de l'établissement et l'embauche du personnel se déroulent au moment même où nous nous parlons.

(1520)

Honorables sénateurs, voilà un cas d'un rendement très intéressant sur l'investissement du gouvernement pour la population du Cap-Breton et pour l'économie tout entière. Un investissement de 7 millions de dollars émanant du fonds de développement économique a attiré des investissements supplémentaires de 25 millions de dollars, ce qui se traduira par la création de plus de 900 emplois dans une région qui en a désespérément besoin.

Bien que j'aie insisté dans mes observations sur l'offre de ressources humaines faite aux employés de la Devco ainsi que sur le Fonds de développement économique, il ne faut pas en conclure que l'industrie de la houille, c'est terminé au Cap-Breton. Elle a encore de l'avenir, et environ 500 personnes trouveront du travail dans une industrie de la houille revigorée. L'industrie n'aura pas l'ampleur qu'elle avait, elle ne jouera pas le rôle central qui était le sien dans l'économie locale, et le gouvernement n'en sera pas le propriétaire. Mais pour la première fois depuis des décennies, l'industrie de la houille sera viable et préservera des emplois.

En juin de l'an dernier, la Devco a embauché BMO Nesbitt Burns Incorporated à titre de conseiller financier pour lui prêter main-forte dans le processus de privatisation. Nesbitt Burns a tenu des séances d'information publiques, a consulté la collectivité et les intervenants et a évalué les propositions faites par les acheteurs éventuels de la Devco. Le processus de privatisation tire à sa fin et tout accord final d'achat et de vente doit être approuvé par le conseil d'administration et le gouvernement fédéral. Toutefois, sans le pouvoir conféré par le projet de loi C-11, aucune vente n'est possible.

Honorables sénateurs, il est temps de supprimer cet élément d'incertitude de façon que les employés de la Devco et leurs familles puissent recommencer à vivre. Pour ce faire, nous devons adopter le projet de loi C-11, qui est un élément important de l'approche équilibrée adoptée pour le Cap-Breton. Ce projet de loi, c'est une façon de tourner la page et de se tourner vers l'avenir. Je suis convaincu que les habitants du Cap-Breton sont prêts à relever le défi.

Des voix: Bravo!

L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, je vais participer un moment à ce débat, puis j'ajournerai le débat jusqu'à demain, histoire d'examiner certains rapports ainsi que les observations du leader du gouvernement au Sénat. Je vais ensuite consulter d'autres personnes et je crois que le leader du gouvernement sait de qui je parle.

Soyons très francs. Ce projet de loi soulève beaucoup d'intérêt au Cap-Breton. Les médias du Cap-Breton s'y intéressent énormément. Le leader du gouvernement au Sénat sait qu'à peu près tous les médias du Cap-Breton ont appelé afin d'obtenir des renseignements au sujet de ce projet de loi. On s'intéresse donc beaucoup à ce projet de loi.

Je n'ai aucune difficulté à convenir avec le sénateur Boudreau que les habitants du Cap-Breton sont confiants, intelligents et acharnés au travail et qu'ils l'ont toujours été. Le ministre vient du Cap-Breton. Je suis un habitant du Cap-Breton, et nous comprenons tous deux cela. Toutefois, je m'oppose à certains éléments de ce projet de loi.

Premièrement, l'extraction du charbon fait partie intégrante de l'économie du secteur industriel du Cap-Breton depuis les années 1700. Il y a dans cette Chambre des honorables sénateurs qui comprennent que bon nombre d'entre nous n'occuperions pas le poste que nous détenons aujourd'hui n'eut été de l'industrie du charbon. Le sénateur Graham est bien conscient de cette situation, tout comme moi.

Mes grands-pères étaient mineurs à la vieille mine de Port Morien, Dominion 1-A, de la houillère Caledonia, et mon père a été au service de la compagnie de charbon de son adolescence jusqu'à sa mort. Par conséquent, je comprends qu'au fil des ans l'économie du Cap-Breton ait eu tendance à être à la hausse ou à la baisse selon la situation dans les industries du charbon et de l'acier.

Ne faisons pas preuve de naïveté. Tous les honorables sénateurs savent qu'au cours des dernières années, l'industrie du charbon a connu un recul. Il y a un certain nombre d'années, 14 000 hommes travaillaient dans les mines de charbon du Cap-Breton. Au fil des ans, de la nouvelle technologie, des départs à la retraite et de l'évolution des marchés du charbon, ce nombre a diminué substantiellement, au point où de nos jours l'industrie compte environ 1 200 employés, et de nouvelles réductions sont en cours. La même situation existe dans l'industrie de l'acier. Nous qui avons grandi à l'ombre de ces deux industries pouvons comprendre cette situation. Il est difficile de se rappeler ce qu'elles étaient et de faire une comparaison avec la situation dans laquelle elles se retrouvent aujourd'hui, mais c'est compréhensible.

Si, comme l'a dit le leader du gouvernement, l'extraction du charbon se poursuit au Cap-Breton, c'est bien. Toutefois, le ministre dit également qu'il y aura de nouvelles perspectives en matière d'extraction du charbon au Cap-Breton, sans toutefois en préciser la nature. Les nouvelles perspectives en la matière n'ont certes rien à voir avec la mine de charbon de Prince, qui est exploitée depuis des années. Sa longévité est de l'ordre de 12 à 15 ans, ou un peu plus.

Honorables sénateurs, j'ai tendance à faire preuve de prudence dans l'utilisation du mot «longévité» car nous avons entendu les dirigeants de la Devco nous dire, il y a seulement quelques années, que la mine de charbon de Phalen avait une longévité de 12 à 20 ans. Ensuite cette période a été réduite à 15 ans, puis à 10 ans. Subitement, cette longévité n'était plus que trois ans, et la mine a fermé complètement il y a un peu plus d'un an.

Honorables sénateurs, ce projet de loi n'offre aucune nouvelle perspective pour l'exploitation minière au Cap-Breton. Il renferme le plan de fermeture de la Devco et de la privatisation de ses biens. Je n'ai aucune objection à cela. C'est une chose à laquelle on s'attendait depuis des années. Toutefois, je m'oppose à la façon dont on traite les mineurs.

Honorables sénateurs, je connais bien la loi sur la Devco. J'étais membre de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse quand elle a été présentée, en 1967-1968. C'était une loi parallèle. Pour les sénateurs qui ne le savent pas, on doit essentiellement la Loi sur la Devco à Allan J. MacEachen, l'un de nos anciens collègues. C'est lui qui a poussé en faveur du projet de loi de la Devco. L'un des premiers employés de cette société, le sénateur Graham, est assis juste en face de moi aujourd'hui. Nous comprenons donc la nécessité de la Devco. J'ai suivi le cheminement de la loi sur la Devco à l'Assemblée législative au moment où le gouvernement fédéral allait prendre le contrôle des intérêts houillers du Cap-Breton au moyen de la création de la Société de développement du Cap-Breton. Les mines de charbon d'Inverness et du continent allaient passer sous la responsabilité du gouvernement fédéral, tandis que l'industrie sidérurgique allait passer sous la responsabilité du gouvernement provincial. Voilà l'historique de la situation.

Honorables sénateurs, il est intéressant de faire remarquer que la Société de développement du Cap-Breton a été créée à une époque où l'industrie houillère était en perte de vitesse. Elle était en voie de disparition. Les marchés n'étaient plus aussi bons qu'ils l'avaient été pour le charbon et, d'un seul coup, les honorables sénateurs s'en souviendront, on a assisté à une hausse importante du prix du pétrole qui s'est poursuivie durant toutes les années 70.

(1530)

Le gouvernement provincial de l'époque a jugé cette situation inacceptable, et à juste titre, parce que le prix de l'électricité atteignait des niveaux records. En tant que parlementaire de l'opposition, j'ai trouvé cela amusant, politiquement parlant. La situation n'était certainement pas amusante pour la population de la Nouvelle-Écosse, qui devait payer son électricité plus cher à cause de l'escalade des coûts du pétrole. Les centrales utilisaient alors du pétrole, mais beaucoup moins de charbon.

L'ouverture de quatre nouvelles centrales thermiques au charbon et la remise à neuf d'une nouvelle centrale à Trenton ont permis d'inverser la situation et, finalement, de produire 80 p. 100 de notre électricité à partir du charbon. Ce plan comprend aussi la nouvelle centrale de Point Aconi, qui était et demeure encore aujourd'hui une des meilleures centrales thermiques au monde. Elle utilise la technique du lit fluidisé, qui permet de réduire de 90 p. 100 la teneur en anhydride sulfureux.

Durant les années 70 et 80, nous produisions 80 p. 100 de notre électricité à partir du charbon. La Société de développement du Cap-Breton a donc dû modifier sa politique de fermeture de mines, politique d'ailleurs justifiée, et ouvrir de nouvelles mines houillères, notamment à Lingan, Phalen, Point Aconi et ailleurs. Il fallait produire plus de charbon pour alimenter les chaudières de la Nova Scotia Power Corporation. La Devco a passé des contrats à long terme avec la société énergétique.

Nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation étrange. Si nous n'avions pas, au Cap-Breton du charbon thermique du niveau de qualité requis par la société énergétique, je serais le premier à dire que cela signifierait la fin de l'industrie houillère en Nouvelle-Écosse. Cette industrie n'aurait plus d'avenir. Ce n'est cependant pas le cas.

Honorables sénateurs, situons les choses dans leur juste perspective. Tout d'abord, on trouve au Cap-Breton des mineurs experts, qui connaissent bien leur métier et l'industrie minière. Dans l'industrie houillère internationale, les mineurs du Cap-Breton sont reconnus comme les meilleurs du monde. Nous comptons de nombreux bons mineurs. Deuxièmement, avons-nous suffisamment de charbon? Tous les rapports, notamment ceux de compagnies comme Montreal Engineering, Kilbourne Engineering et Nesbitt Thompson Engineering, indiquent que nous en avons suffisamment. Il reste des millions de tonnes à exploiter. La majeure partie de ce charbon se trouve dans le filon du port du terrain houiller de Sydney, au large de l'aire Donkin Morien.

Honorables sénateurs, je connais ces gisements. Afin de pousser plus loin l'exploitation de la nouvelle mine en 1979, le gouvernement provincial avait dépensé 5 millions de dollars pour faire venir des navires des États-Unis afin de creuser des puits, de délimiter les filons de charbon et d'extraire des échantillons pour les analyser. Ces échantillons ont révélé la présence d'excellent charbon thermique et d'excellent charbon métallurgique.

Le décor était planté pour l'ouverture d'une nouvelle mine de charbon au Cap-Breton, la première depuis celles de Lingan et Phalen. En 1980, nous avions creusé les trous, trouvé le charbon et délimité l'emplacement des filons grâce aux experts de Kilbourne Engineering et aux ingénieurs miniers fort compétents de la Devco - des gens comme Steve Farrell et Bill Shaw d'Antigonish, qui connaissent probablement le terrain houiller de Sydney mieux que quiconque.

Tout était en place. Allan J. MacEachen a lancé l'opération. J'ai rencontré Allan J. MacEachen à maintes occasions. Lorsqu'il est revenu au gouvernement en 1980, il était déterminé à faire exploiter la nouvelle mine Donkin. Tout était en place.

Entre le début et la fin des années 80, les deux galeries ont été creusées. On a extrait du charbon, puis on l'a évalué. On l'a fait analyser aux États-Unis, à la Devco et ailleurs. On a déterminé qu'il s'agissait de bon charbon thermique mêlé à du charbon métallurgique, ce qui améliorait ses qualités de charbon de chaufferie. Il était acceptable selon la Nova Scotia Power Corporation. On a dépensé quelque 85 millions de dollars pour aménager les deux galeries. Il ne faut pas oublier que ces deux galeries sont encore là aujourd'hui. Elles se rendent jusqu'au front de taille, tout est prêt pour l'extraction.

Bien des rapports affirment qu'il en coûtera 400 millions de dollars pour exploiter la mine Donkin. C'est insensé. Kilbourne Engineering a établi les niveaux de production au milieu des années 80. Cette mine pourrait être exploitée et produire environ un demi million de tonnes de charbon pour 100 millions de dollars. Un investissement de 140 millions de dollars porterait la production à un million de tonnes de charbon. Le sénateur Graham siégeait au comité lorsque nous avons examiné ces chiffres.

Pourquoi est-ce que je parle d'une nouvelle mine de charbon? La Nova Scotia Power Corporation utilise de 2,5 à 3 millions de tonnes de charbon par année dans ses sept centrales électriques. D'où viendra ce charbon? Voilà le noeud de ce projet de loi.

Les questions concernant les pensions et les indemnités de départ sont importantes. Cependant, il est probable que la Nova Scotia Power Corporation achètera du charbon en Colombie et à Hampton Roads en Virginie où ils accumulent les stocks de charbon de la Virginie, de la Pennsylvanie et du Michigan, qui sont destinés à la livraison. Ce charbon arrivera aux quais de Sydney où il servira à alimenter les chaudières des centrales thermiques du Cap-Breton. Pourtant, nous avons sur place notre propre charbon prêt à extraire. Pourquoi ne pas exploiter cette ressource? Les galeries sont creusées.

Le problème c'est qu'on nous demande d'adopter un projet de loi et que nous ne savons pas ce qui viendra ensuite.

Le sénateur Taylor: La privatisation.

Le sénateur Buchanan: Cela ne me pose pas de problème. Le sénateur est ingénieur des mines, il a participé aux travaux du comité, et il devrait faire attention.

Il nous est demandé de voter aveuglément sur le projet de loi. Nous ne savons pas ce qu'il adviendra du contrat charbonnier conclu entre la Société de développement du Cap-Breton et la Nova Scotia Power Corporation.

Selon le rapport de la Nesbitt Burns, le bien qui compte le plus pour les acheteurs éventuels de la Devco est la mine de Prince. C'est tout à fait exact. Le gisement de Donkin recèle des millions de tonnes de charbon.

Honorables sénateurs, n'oublions pas que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse doit avaliser la vente des biens avant que la cession puisse avoir lieu. Je crois savoir que certaines personnes à Ottawa commencent à dire que ces biens n'appartiennent pas à la province. La province en est propriétaire et la preuve en a été faite.

La province est propriétaire du gisement de Donkin, des chemins de fer et des ateliers ferroviaires, du port en eau profonde, de l'installation de préparation du charbon de Victoria Junction, du centre de ramassage et de stockage et de la centrale d'entretien général. Le rapport de la Nesbitt Burns donne des idées d'investissement et fait état de l'accord relatif à l'approvisionnement à long terme de la Nova Scotia Power Corporation.

(1540)

Que veut dire tout cela? Que les réserves de 47 millions de tonnes de charbon de la mine Prince et les ressources charbonnières conséquentes de la Donkin sont à vendre. Si une entreprise américaine ayant son siège en Floride se montrait désireuse d'acquérir tous ces biens, la première chose que je chercherais à savoir c'est le nombre de mines que cette entreprise compte déjà à son actif. Je ne pense pas qu'elle exploite des mines de charbon. Elle en exploite peut-être, mais j'en doute. Je crois qu'elle agit comme intermédiaire dans la vente de charbon.

En examinant les éléments d'actif - qu'ils braderont, sans aucun doute - la personne qui est en affaires se dira: «La mine de charbon de Prince est une excellente affaire. Elle est en activité et produit du charbon. Il y a en outre un contrat exclusif à long terme qui prévoit la vente de charbon à la Nova Scotia Power Corporation.» Quelle quantité de charbon? L'acheteur pourra fournir à la société d'électricité environ les deux tiers du charbon dont cette dernière a besoin.

Le nouvel acheteur agrandira-t-il la mine de charbon du Cap-Breton pour respecter ces modalités ou acceptera-t-il du charbon des stocks existants à Hampton Roads, dans l'État de la Virginie, en Colombie ou ailleurs en Amérique du Sud? Fera-t-on venir du charbon au Cap-Breton alors qu'il y a toutes sortes de charbon là maintenant? Y a-t-il quelqu'un au Cap-Breton qui exploitera la nouvelle mine de charbon et utilisera les 80 millions de dollars qui sont déjà dépensés? Oui. Il y a un groupe dont le nom est Donkin Resources Limited, entreprise privée mise sur pied par des habitants du Cap-Breton qui font confiance à l'industrie minière. Ce sont des ingénieurs miniers, des ingénieurs spécialisés dans les mines de charbon, des géologues et des gens d'affaires. Ils sont prêts à aller de l'avant. Je leur parle toutes les semaines ou toutes les deux semaines depuis un an.

Honorables sénateurs, savez-vous de quoi ils ont besoin? Ils veulent avoir l'assurance d'avoir le contrat de vente de charbon à la Nova Scotia Power Corporation. Les gens d'affaires qui sont ici le savent: on ne prête pas d'argent à moins d'avoir une garantie. La garantie, c'est l'entente visant l'approvisionnement à la Nova Scotia Power Corporation, dont on trouve la description dans le rapport de Nesbitt Burns.

S'il n'y avait pas de charbon ni aucune demande de charbon, si c'était la fin et s'il était décidé de ne plus subventionner ce secteur, très bien. Toutefois, ce ne sont pas quelques millions de tonnes seulement que nous avons à la mine Prince, mais bien 47 millions de tonnes, et jusqu'à 1 milliard de tonnes dans les terrains houillers de Sydney, dans le filon du port. C'est là beaucoup de charbon.

Je demande au leader du gouvernement au Sénat: ne vaudrait-il pas mieux savoir qui est l'acheteur et ce qu'il a l'intention de faire du charbon encore inexploité du Cap-Breton? Va-t-il l'exploiter? Dans ce cas, parfait. Même s'il s'agit d'une entreprise étrangère, cela me convient parfaitement. Si elle peut exploiter nos mines de charbon du Cap-Breton et approvisionner la Nova Scotia Power Corporation, parfait. Je ne le sais pas, toutefois. Je ne vais pas voter en faveur de quelque chose qui est totalement inconnu. Ce que je sais, c'est qu'il y a un groupe là-bas qui est prêt à exploiter le charbon des terrains houillers de Sydney, dans le filon du port.

Mon autre problème concerne les 900 mineurs. L'autre jour à Halifax, quelqu'un m'a dit ceci: «Seigneur, pourquoi dit-on que les mineurs sont maltraités? Je crois savoir qu'ils sont allés par centaines aux bureaux de la Devco, à Sydney et à Glace Bay, réclamer leur indemnité de départ». C'est vrai. Quelque 404 mineurs ont droit à une indemnité de départ. Certains toucheront 20 000 $, d'autres 50 000 $ et d'autres encore, jusqu'à 70 000 $. Avant impôt, toutefois. Parfaitement, il y a l'impôt. Après impôt, l'indemnité reviendra peut-être au salaire d'une année pour certains, et même pas pour d'autres. Que doivent-ils faire après cela?

Le leader du gouvernement au Sénat et les chefs à la Chambre des communes disent qu'ils vont les recycler. J'ai déjà parlé de cette question. Le gouvernement provincial en a également parlé. Ils veulent recycler les mineurs du Cap-Breton. Ce qu'ils vont faire, c'est leur proposer un emploi dans un centre téléphonique. Ils veulent mettre un casque sur la tête de mineurs âgés de 48, 49 ou 50 ans qui travaillent dans les houillères depuis 20 à 24 ans, et les faire travailler dans un centre téléphonique. Allons, honorables sénateurs, soyons réalistes. Ils le feraient probablement, mais il y a certainement des milliers d'autres personnes qui ont déjà présenté leur candidature pour ces emplois.

Ils disent ensuite qu'ils vont les former au métier de charpentier ou de plombier. Que vont-ils faire? Je n'ai pas vu beaucoup de grues de chantier se dessiner dans le ciel de Glace Bay, New Waterford, Sydney Mines, North Sydney ou Sydney. Je sais qu'il y a du charbon dans le sol et qu'on peut l'extraire. Ces hommes peuvent extraire ce charbon. Quelqu'un a demandé pourquoi ils préféreraient travailler sous terre. C'est leur vie. C'est ce qu'ils font depuis longtemps. Ce sont des mineurs. Cela m'agace d'entendre des gens de Toronto demander pourquoi ces mineurs préféreraient descendre dans les houillères. L'une des raisons est qu'ils ne travaillent pas sur Bay Street. C'est cela qu'ils font. Ils veulent travailler dans les mines tant qu'il y aura du charbon à extraire.

Il doit y avoir moyen d'offrir mieux à ces hommes qui seront mis à pied. On a parlé des 500 travailleurs qui exploiteront la mine Prince. Pendant combien de temps l'exploiteront-ils? Qu'en est-il des 400 employés qui, après six ou huit mois, n'auront plus de travail? Ils n'ont droit à aucune pension. Ils toucheront des prestations d'assurance-emploi pendant une certaine période et ce sera tout.

Un article de la loi sur la Devco, que tous semblent avoir oublié, stipule qu'avant la fermeture, ou avant de réduire considérablement la production de charbon dans toute mine, la société veillera à prendre toutes les mesures raisonnables, soit seule, soit de concert avec le gouvernement du Canada, celui de la Nouvelle-Écosse ou toute autre agence, en vue de diminuer le plus possible les mises à pied et les répercussions économiques qui doivent résulter de la fermeture ou de la réduction de la production.

Honorables sénateurs, j'en aurai plus long à dire demain au sujet du projet de loi. Je demande donc l'ajournement du débat.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, j'ai bien aimé le blablabla que nous a livré jusqu'ici le sénateur. Je crois comprendre que, dans le cadre d'un débat, un sénateur dispose de 45 minutes pour répondre. Je suppose que le chronomètre était en marche. Combien de temps lui reste-t-il?

Le sénateur Buchanan: Je n'ai parlé qu'environ dix minutes!

Le sénateur Bryden: Ça ma paru comme 50 minutes.

Ma question est la suivante: un sénateur a-t-il le droit de dire qu'il ajourne le débat et qu'il prendra la parole sur le même sujet le lendemain? Le sénateur peut-il s'attendre à disposer à nouveau de 45 minutes?

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je dirai au sénateur Bryden, pour répondre à sa question, que le sénateur Buchanan a parlé pendant 27 minutes. Il lui reste donc 18 minutes pour demain.

(Sur la motion du sénateur Buchanan, le débat est ajourné.)

(1550)

La Loi de l'impôt sur le revenu
La Loi sur la taxe d'accise
La Loi d'exécution du budget de 1999

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Marie-P. Poulin propose: Que le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi d'exécution du budget de 1999, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureuse de pouvoir prendre aujourd'hui la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-25, qui porte sur les modifications de 1999 apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu. Je sais que le budget de 2000 a été déposé en février, mais les mesures qui en découlent feront l'objet d'une loi distincte.

La plupart des mesures qui figurent dans le projet de loi C-25 ont été annoncées dans le budget de 1999, dans trois mesures non budgétaires. Toutes ces mesures visent à réduire la charge fiscale des contribuables canadiens et à améliorer le fonctionnement et l'équité du régime fiscal. Avant d'entrer dans les détails, je voudrais prendre un moment pour situer le contexte du projet de loi.

Dans la modification du régime fiscal, le gouvernement a toujours été guidé par quatre principes fondamentaux de politique fiscale. Tout d'abord, il faut que notre approche de l'allégement des impôts soit équitable. Deuxièmement, nous devons d'abord nous préoccuper de l'impôt sur le revenu des particuliers, car c'est là que la charge est la plus lourde et que le Canada veut se rajuster par rapport à d'autres pays. Troisièmement, le Canada doit avoir un régime fiscal des entreprises capable de soutenir la concurrence internationale. Quatrièmement, il ne faut pas financer les allégements d'impôt par des emprunts.

Nos quatre premiers budgets, ceux de 1994, de 1995, de 1996 et de 1997, ont prévu des allégements ciblés: étudiants, organismes de charité, personnes handicapées, enfants de parents à faible revenu. C'était là que l'allégement était le plus bénéfique.

Le déficit ayant été éliminé en 1997-1998, le budget de 1998 a commencé à accorder des allégements plus généraux, en commençant par les plus nécessiteux et les contribuables à revenu faible ou moyen. Le budget de 1999 pousse plus loin les allégements de 1998. Ces deux budgets ont accordé des allégements appréciables aux particuliers et aux contribuables ayant une famille. À eux trois, les budgets de 1997, de 1998 et de 1999 ont réduit la charge fiscale des Canadiens d'environ 10 p. 100. Et nous allons encore plus loin. Si on ajoute les mesures annoncées dans le budget de 2000, les réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers totaliseront 22 p. 100 d'ici 2004-2005. Comme le ministre des Finances l'a promis dans son exposé financier d'octobre dernier, le budget de 2000 a proposé un plan quinquennal de réduction des impôts, plan analogue à celui par lequel il s'est attaqué au déficit.

Brièvement, le plan quinquennal de réduction d'impôts prévoit l'indexation du régime fiscal, réduit le taux d'impôt moyen et diminue les impôts d'au moins 58 milliards de dollars d'ici 2004, soit une moyenne de réduction d'impôts annuelle de 15 p. 100, et bien plus pour les familles ayant des enfants. Cependant, comme je viens de le dire, ces mesures seront présentées dans un autre projet de loi.

Aujourd'hui, nous sommes saisis des mesures du budget de 1999, et je voudrais me tourner maintenant vers les mesures que renferme ce projet de loi. Les sénateurs constateront rapidement à quel point ces mesures sont conformes à notre engagement de réduire les impôts, tout en assurant l'équité fiscale.

[Français]

Honorables sénateurs, ce projet de loi renferme trois mesures d'allégement fiscal général, ces mesures étant prévues en matière d'impôt sur le revenu des particuliers.

Premièrement, le projet de loi augmente le montant de revenus que les Canadiens peuvent gagner en franchise d'impôt. Encore une fois, l'augmentation additionnelle annoncée dans le budget 2000 sera débattue séparément.

Deuxièmement, le supplément du montant personnel de base accordé aux contribuables à faible revenu dans le budget de 1998 est étendu à tous les contribuables et majoré de 175 dollars. Ces deux mesures signifient que tous les contribuables profiteront d'un crédit personnel de base permettant de gagner jusqu'à 7 131 dollars de revenus à l'abri de l'impôt, soit une majoration de 675 dollars par rapport à 1997.

Troisièmement, le projet de loi élimine la surtaxe générale de 3 p. 100 pour tous les contribuables. Une fois les comptes équilibrés, le budget de 1998 prévoyait l'élimination de cette surtaxe pour les contribuables qui gagnaient moins de 50 000 dollars par année, et sa réduction pour ceux dont le revenu s'établissait entre 50 000 et 65 000 dollars par année. Cette surtaxe est maintenant totalement abolie. Sous réserve de la sanction royale de ce projet de loi, ces mesures sont déjà entrées en vigueur le 1er juillet 1999. Grâce aux mesures adoptées dans les budgets de 1998 et 1999, environ 600 000 Canadiens ont été rayés du rôle d'imposition.

En outre, les impôts ont été réduits pour la totalité des 15,7 millions de contribuables Canadiens, les contribuables à faible revenu ayant été les principaux bénéficiaires. Par exemple, une famille type de quatre enfants qui ne compte que sur un seul revenu annuel de 30 000 dollars ou moins ne paiera aucun impôt fédéral net sur le revenu, tandis qu'une telle famille dont le revenu annuel est de 40 000 dollars profitera d'une réduction de 15 p. 100 de l'impôt fédéral sur le revenu.

Honorables sénateurs, l'une des nombreuses mesures de ce projet de loi visant à accroître l'équité du régime fiscal concerne le partage du revenu avec les enfants mineurs.

Il y a un partage du revenu lorsqu'un particulier à revenu élevé attribue une partie de son revenu à une personne à faible revenu, généralement un proche, pour éviter l'impôt. Dans la plupart des cas, seuls les particuliers à revenu élevé ayant des personnes à charge et certains types de revenus tirent un avantage fiscal du partage de revenus.

Cependant, un régime fiscal qui permet à certains contribuables de partager leurs revenus au moyen d'une structure d'entreprise et qui refuse la même chose à d'autres n'est pas équitable.

En conséquence, pour que soient accrues l'équité et l'intégrité de notre régime fiscal, il y aura un impôt spécial qui vise expressément les structures conçues pour partager un revenu avec des mineurs. Les particuliers âgés de 17 ans ou moins devront acquitter cet impôt spécial sur les dividendes imposables et les autres avantages attribuables à des actions non cotées en bourse de sociétés canadiennes et étrangères, qu'ils reçoivent d'une fiducie ou d'une société de personnes.

En outre, le revenu qu'ils touchent d'une société de personnes ou d'une fiducie et tiré d'une entreprise exploitée par un proche sera également assujetti à cet impôt spécial. Toujours comme mesure d'équité fiscale, ce projet de loi C-25 traite aussi de l'application de l'impôt aux paiements forfaitaires rétroactifs pour lesquels des particuliers doivent payer l'impôt dans l'année où ils les reçoivent, même si ces paiements peuvent porter en bonne partie sur des années antérieures.

En raison de l'application de notre régime fiscal, le montant d'impôt dont un contribuable est redevable à l'égard de ces paiements peut être plus élevé que si le paiement en question avait été effectué et imposé chaque année. Il y aura maintenant un allégement spécial aux fins du calcul de l'impôt sur les paiements forfaitaires rétroactifs admissibles, totalisant au moins 3 000 dollars au cours d'une année donnée.

(1600)

Ce mécanisme spécial s'appliquera à des revenus comme ceux tirés d'un emploi ou d'une charge, aux prestations de retraite, aux arriérés de pension alimentaire pour conjoints ou pour enfants et aux prestations d'assurance-emploi.

Toujours comme mesure d'équité fiscale, le projet de loi C-25 modifie également la façon dont l'impôt s'applique aux colonies huttériennes - où la propriété est collective et où s'exercent des activités agricoles et autres. Aux fins de l'impôt sur le revenu, ces colonies huttériennes sont considérées comme des organismes communautaires et sont assujetties à l'article 143 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Cependant, dans les organismes communautaires, le revenu gagné est attribué à un seul conjoint désigné d'une famille, tandis que les traitements et salaires payés à un autre conjoint travaillant au sein d'une entreprise, agricole ou autre, sont déductibles d'impôt. Pour que l'impôt qui s'applique au revenu gagné dans les colonies huttériennes soit à peu près équivalent à celui des autres groupes, le revenu pourra désormais être attribué à chacun des conjoints d'une famille.

Toujours comme mesure d'équité fiscale, le projet de loi C-25 porte également sur les fausses représentations effectuées par des tiers. Comme le savent les honorables sénateurs, des sanctions sont imposées quand des contribuables font de fausses représentations afin d'éviter le paiement de leur juste part d'impôt. Il n'existe toutefois pas de règle claire quant à la sanction à imposer à une personne qui fait une fausse déclaration au sujet de l'impôt d'une autre personne.

Deux nouvelles sanctions au civil peuvent être imposées à des tiers qui font de fausses déclarations fiscales. Ces changements font suite à diverses recommandations du vérificateur général, du Comité des comptes publics et du Comité d'examen technique de la fiscalité des entreprises. L'une se rapporte aux abris fiscaux et aux autres mécanismes de planification fiscale; l'autre a trait à la participation à l'établissement d'une déclaration de revenus trompeuse ou à la prestation de conseils à cet égard.

Un critère de conduite coupable - semblable à la façon dont les tribunaux ont déjà appliqué des sanctions au civil à des contribuables - sera institué. Ce critère sera appliqué à un contribuable dont la conduite équivaut à un cas de conduite intentionnelle, que l'observation des lois fiscales semble laisser indifférent, ou qui enfreint la loi de façon délibérée et flagrante. Il y aura dérogation à ce critère au motif de recours de bonne foi, mais elle ne s'appliquera pas aux particuliers qui font la promotion ou la vente d'abris fiscaux.

En outre, l'Agence des douanes et du revenu du Canada procédera à un examen à l'administration centrale avant qu'une sanction ne soit établie à l'endroit d'un tiers. De plus, l'agence demandera l'avis du secteur privé quand elle élaborera des lignes directrices sur les sanctions au civil imposées à des tiers.

La prochaine mesure d'équité fiscale dont j'aimerais parler concerne la situation fiscale qui se présente quand la valeur du régime enregistré d'épargne-retraite, que nous connaissons comme REER, ou du fonds enregistré de revenu de retraite, que nous connaissons comme FERR, est incluse dans le revenu du particulier pour l'année de son décès.

Cette inclusion dans le revenu est compensée quand le REER ou le FERR est laissé à un conjoint survivant ou à des enfants ou petits-enfants à charge s'il n'y a pas de conjoint survivant. Dans ces cas, les distributions doivent être incluses dans le revenu du bénéficiaire. Il existe toujours, toutefois, des mécanismes qui ont permis à des conjoints ou à des enfants mineurs ou handicapés de reporter l'impôt sur ces distributions.

Le budget de 1999 traite du cas où les REER ou les FERR sont laissés à des enfants à charge, même s'il y a un conjoint survivant. Ce sont les enfants, et non la succession, qui devront désormais assumer la responsabilité de la déclaration de ce revenu. Cette mesure est conçue pour aider les enfants à charge au moment du décès d'un parent, étant donné que les taux d'imposition appliqués aux enfants à charge sont peu élevés.

Honorables sénateurs, l'allègement fiscal accordé aux Canadiens handicapés constitue un engagement continu pour notre gouvernement, et le budget de 1999 poursuit le processus qui consiste à offrir une aide additionnelle.

Le crédit d'impôt pour frais médicaux sera étendu de façon à couvrir le coût des soins prodigués aux personnes en résidence collective ayant une déficience grave, la thérapie fournie à ces personnes et le tutorat des personnes ayant des troubles d'apprentissage. En outre, les livres parlants destinés aux personnes ayant des troubles de perception et inscrits auprès d'un établissement d'enseignement seront ajoutés à la liste du matériel donnant droit au crédit d'impôt dans le cas des personnes handicapées.

Toujours en ce qui a trait au crédit d'impôt, les sociétés produisant de l'électricité destinée à la vente, ou de la vapeur devant servir à produire de l'électricité, auront désormais droit au crédit d'impôt pour bénéfices de fabrication et de transformation. Cette modification budgétaire aidera le secteur de la production d'électricité à être concurrentiel, surtout compte tenu des changements et de la restructuration qui surviennent actuellement en Amérique du Nord.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-25 vient rectifier une autre anomalie fiscale: les paiements insuffisants ou excédentaires d'impôt des sociétés. Les sociétés dont les déclarations sont complexes sont souvent aux prises avec de nouvelles cotisations simultanées couvrant plusieurs années d'imposition, ainsi qu'à des revenus et des dépenses qui sont reportées d'une année d'imposition à une autre.

En vertu des règles actuelles, l'intérêt sur les arriérés d'impôt d'une société pour une année d'imposition peut être calculé en même temps que l'intérêt sur le paiement excédentaire d'un montant égal pour une année d'imposition différente. Comme l'intérêt sur les remboursements est imposable tandis que l'intérêt sur les arriérés n'est pas déductible, il peut en résulter un coût net après impôt pour la société, une anomalie qui est aggravée par la différence des taux d'intérêt sur les remboursements et les arriérés.

Pour remédier à ce problème, il y aura désormais un mécanisme d'allégement en vertu duquel une société aux prises avec des situations où l'intérêt sur les remboursements est imposable et où l'intérêt sur les arriérés n'est pas déductible pourra obtenir la compensation de ces montants aux fins du calcul de l'intérêt.

Honorables sénateurs, ce projet de loi renferme une autre mesure conçue pour aider le secteur canadien des services de placement à mieux soutenir la concurrence internationale. Les fournisseurs de services canadiens ont indiqué avoir de la difficulté à attirer des clients étrangers parce qu'ils craignent que les non-résidents qui recourent à leurs services puissent être imposés au Canada en raison de nos règles fiscales. En vertu d'une nouvelle règle, et sous réserve de certaines conditions, un non-résident ne sera pas réputé exercer son activité au Canada pour la seule raison qu'il a recours à une société canadienne pour obtenir certains services de gestion et d'administration d'investissements.

Enfin, les deux autres mesures budgétaires de ce projet de loi concernent les sociétés à capital de risque de travailleurs, les SCRT, et l'impôt supplémentaire appliqué aux grandes institutions de dépôt.

(1610)

Les mesures contenues dans ce projet de loi ont pour objet d'inciter les sociétés à capital de risque de travailleurs à investir davantage dans les petites entreprises et de préciser les règles qui s'appliquent quand le SCRT est partie à une fusion ou à un autre genre de restructuration d'entreprise.

Le projet de loi C-25 reconduit en outre jusqu'au 31 octobre 2000, l'impôt supplémentaire de 12 p. 100 sur le capital prévu à la partie IV de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[Traduction]

Honorables sénateurs, il y a trois mesures dans ce projet de loi qui ne figurent pas dans le budget de 1999. L'adoption de ce projet de loi donnera effet aux accords de partage de domaines fiscaux conclus par le gouvernement fédéraux et le gouvernement autonome des premières nations du Yukon. Cela signifie notamment que le gouvernement fédéral cédera 75 p. 100 de sa compétence fiscale sur les terres visées par le règlement aux gouvernements des premières nations du Yukon.

Une autre mesure exempte d'impôt le revenu gagné par la fiducie constituée par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour indemniser un certain nombre de Canadiens ayant contracté le virus de l'hépatite C.

La troisième mesure non budgétaire concerne le traitement de la démutualisation, un processus par lequel les compagnies d'assurances mutuelles, qui appartiennent aux titulaires de police ayant droit de vote, se transforment en sociétés par actions, qui appartiennent à leurs actionnaires. Le produit de la démutualisation sera traité comme un revenu de dividende admissible au crédit d'impôt pour dividende. Une émission d'actions résultant directement de la démutualisation n'aurait aucune répercussion fiscale immédiate. Cependant, la vente des actions donnera lieu à un gain en capital.

Honorables sénateurs, chacune des mesures proposées dans le projet de loi améliore le fonctionnement du régime fiscal canadien et en accroît l'équité. Chacune d'entre elles remédie à une injustice, incohérence ou disparité relevée dans notre régime fiscal. Le projet de loi ne contient aucune mesure litigieuse. J'exhorte tous les sénateurs à l'adopter promptement, pour que nous puissions entreprendre l'examen des mesures d'allégement fiscal supplémentaires qui ont été annoncées dans le Budget de 2000.

Des voix: Bravo!

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Eyton, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada

Troisième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Lucie Pépin propose: Que le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, c'est avec la même fierté que celle qui m'animait le 2 mai dernier - lors de mon discours en deuxième lecture - que je prends la parole aujourd'hui pour défendre à l'étape de la troisième lecture le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada.

Il n'est pas dans mon intention de reprendre mot pour mot l'argumentaire alors développé. Mes convictions restent les mêmes: il faut adopter le projet de loi C-23 parce qu'il en va d'une question de simple justice, d'égalité des personnes, de tolérance et d'ouverture à la diversité ainsi que de respect à l'autre. Il en va ainsi d'une question d'équité.

La Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada fait en sorte d'appliquer le même régime d'avantages et d'obligations aux conjoints de fait de sexe opposé et de même sexe. Honorables sénateurs, j'insiste pour dire qu'avec le projet de loi C-23, les couples de même sexe accèdent peut-être à des avantages, mais ils se voient aussi attribuer des obligations. Trop d'intervenants dans ce débat n'ont retenu que l'aspect des avantages, en oubliant de considérer que les couples de même sexe auront, dorénavant, aussi des obligations à assumer.

Le gouvernement a le devoir d'assurer le respect des droits fondamentaux et des libertés de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens; le gouvernement doit respecter la Charte des droits et libertés, ce que les tribunaux ont affirmé notamment dans les affaires Miron c. Trudel et M. c. H. La première décision a établi que le gouvernement devait traiter de façon égale les couples mariés et les conjoints de fait de sexe opposé en leur conférant les mêmes avantages et en leur imposant les mêmes obligations. Dans l'affaire M. c. H., la Cour suprême du Canada a conclu que les gouvernements devaient accorder un traitement égal tant aux conjoints de fait de sexe opposé qu'aux conjoints de fait de même sexe. C'est ce que fait le projet de loi C-23 soit, primo, d'étendre aux conjoints de fait de sexe opposé ou non certains avantages et certaines obligations auxquels ont uniquement droit à l'heure actuelle les conjoints mariés et, secundo, d'étendre aux conjoints de fait de même sexe les avantages et les obligations applicables actuellement aux seuls conjoints de fait de sexe opposé.

Aujourd'hui, je me propose de mettre au jour les principaux arguments qu'ont présentés les témoins devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Cet exercice nous amènera à comprendre que l'adoption du projet de loi C-23 s'impose dans une société qui valorise l'égalité, une valeur inscrite au c9ur même de notre Charte des droits et libertés de la personne, une composante maintenant incontournable de la culture politique canadienne.

Mais avant d'aller plus loin, honorables sénateurs, je dois vous faire une confidence. Lorsque j'ai examiné les différents mémoires qui nous ont été soumis, au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, j'ai eu l'impression de vivre un certain «backlash», de retourner à ce que l'histoire retient maintenant comme l'«Affaire personne». Dans la seconde moitié des années 1920, la question a été posée quant à savoir si les femmes étaient des personnes aux termes de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et, conséquemment, s'il était dans l'esprit des Pères de la Confédération que des femmes puissent jamais siéger au Sénat. La Cour suprême du Canada a d'abord répondu non, puis le comité judiciaire du Conseil privé à Londres a soutenu l'opinion contraire. Cela pour vous dire, honorables sénateurs, qu'en comité, certains témoins ont douté que les homosexuels aient droit au respect inhérent à toute personne humaine. Cela me semble incroyable!

Le 2 mai dernier, en cette Chambre, j'ai affirmé mon désaccord avec la règle d'interprétation selon laquelle, et je cite:

[...] les modifications que la présente loi apporte ne changent pas le sens du terme «mariage», soit l'union légitime d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre personne.

J'ai alors soutenu - et je réitère ma position aujourd'hui - que cette règle était complètement inutile, puisque primo, le projet de loi C-23 ne porte pas sur le mariage et que secundo, le sens de celui-ci est clair en droit.

En comité, plusieurs témoins - dont la Coalition gaie et lesbienne du Québec et la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe, le Congrès du travail du Canada, EGALE, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada ainsi que la professeure Winifred H. Holland - ont aussi conclu à l'inutilité de la règle interprétative. Qui plus est, selon la professeure Holland, un effet pervers de ladite règle est de laisser entendre, et je cite ici son mémoire:

[...] qu'il existe une différence entre le mariage et l'union de fait: ces unions ne se ressemblent pas vraiment, et la dernière est moins digne de respect. Elles ne sont pas vraiment équivalentes.

Plusieurs d'entre nous acquiescent entièrement au diagnostic de la professeure Holland: la règle d'interprétation brise le fragile compromis raisonnable que le projet de loi C-23 avait permis de dégager. Alors qu'au départ, le projet de loi C-23 était porteur d'une volonté sincère d'inclusion, la règle d'interprétation balaie cette noble intention en imposant un niveau différent de reconnaissance et de valeur; bref, en conviant de nouveau au rendez-vous législatif cette tare qu'est l'exclusion et dont une société moderne n'a que faire. Comme le mentionnait la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe, la règle d'interprétation, et je cite:

[...] renforce l'exclusion des gais et lesbiennes et la réifie au rang de symbole.

(1620)

Je me rallie alors au pronostic d'EGALE, qui considère que la règle d'interprétation expose le projet de loi C-23 à la contestation aux termes de la Constitution. Avant longtemps - de toute façon c'est déjà engagé - des lesbiennes et des gais demanderont pourquoi le mariage est réservé aux seuls couples hétérosexuels, ce sur quoi les tribunaux auront à se prononcer.

Plusieurs témoins ont donc réclamé que soit abolie la règle d'interprétation. L'un d'eux, et non le moindre, l'Association du Barreau du Canada, a ainsi soutenu que, et je cite:

L'intégration d'une définition du mariage dans le projet de loi C-23 est superflue; elle ne cadre pas avec le but de la législation et constitue une invitation à poursuivre des contestations plus poussées concernant l'inclusion des couples de gais et de lesbiennes dans la société canadienne.

Honorables sénateurs, c'est aussi mon opinion. Cela dit, j'en viens à l'analyse des principaux arguments qui nous ont été présentés par les témoins. De façon générale, la reconnaissance des couples de même sexe a polarisé les témoins entre ceux et celles qui s'opposaient au projet de loi et ceux et celles qui le soutenaient. L'une et l'autre parties référaient à des rationalités bien différentes: les premiers ont justifié leur position par des préceptes à propos de ce que devrait être le mariage et la famille, les autres par des valeurs telles l'égalité, la justice et l'ouverture à la diversité.

Plusieurs des témoins qui ont déclaré s'opposer au projet de loi C-23 ont invoqué la crainte que ce projet de loi ne signe l'arrêt de mort du mariage tel que nous le connaissons aujourd'hui et, partant, de la famille. Dans cette vision, le mariage engage un homme et une femme et, surtout, il comporte la possibilité d'avoir des enfants. Pour plusieurs témoins - dont la Conférence des évêques catholiques du Canada -, c'est précisément cette contribution unique et distincte du mariage à la stabilité de la famille et à l'avenir de la société qui justifie de maintenir la distinction entre le mariage et d'autres formes de relations.

Dans le même courant d'idées, certains témoins ont argué que les enfants nés et élevés dans le contexte d'une famille biparentale hétérosexuelle, où les parents sont dûment mariés, auraient de meilleures garanties d'équilibre et de succès dans la vie.

Honorables sénateurs, je ne remettrai pas en question ces opinions; je me contenterai plutôt de vous citer la juge L'Heureux-Dubé qui, dans l'arrêt Mossop c. Canada [1993], soutenait, et je cite:

Il est possible d'être partisan de la notion de famille sans pour autant rejeter des structures familiales moins traditionnelles. Le fait d'accorder notre protection à des familles non traditionnelles n'équivaut pas à se prononcer contre la famille. La famille traditionnelle n'est plus la seule forme de cellule familiale et les types de famille non traditionnels peuvent tout autant promouvoir de profondes valeurs familiales.

Un document publié en 1998 par Statistique Canada, Grandir avec maman et papa? Les trajectoires familiales complexes des enfants canadiens, met au jour la diversité de la famille canadienne et, comme le titre du document l'indique, sa complexité. En effet, si en 1994-1995, 76 p. 100 des enfants de 11 ans et moins vivaient dans une famille où toute la progéniture était constituée des enfants biologiques ou adoptifs des deux membres du couple, 14,5 p. 100 évoluaient dans une famille monoparentale ayant une femme à sa tête, 1,1 p. 100 grandissaient dans une structure monoparentale dirigée par le père, et 6,1 p. 100 dans une famille recomposée dite complexe, c'est-à-dire où les deux parents mettaient en commun des enfants nés de parents différents.

Bref, la famille dite «traditionnelle» domine toujours l'univers des familles au Canada, quoique d'autres structures familiales se manifestent maintenant qui, de mon point de vue, méritent la même reconnaissance et la même considération de l'État. C'est d'ailleurs là une conséquence fort positive du projet de loi C-23, soit d'éliminer cette distinction archaïque entre les enfants dits «légitimes» et les enfants dits «illégitimes».

Pour vous dire, honorables sénateurs, comment se sont transformés les modes de vie au Canada et, conséquemment, comment s'est diversifiée la structure familiale, j'apporterai à votre attention une autre donnée fort intéressante. Au cours des années 1980, la fraction des enfants canadiens qui sont nés de parents mariés n'ayant pas vécu ensemble auparavant est passée de 60 p. 100 en 1982-1983 à moins de 40 p. 100 dix années plus tard.

Qui plus est, cette diminution n'a pas été compensée par un autre phénomène, soit celui d'un homme et d'une femme vivant ensemble mais décidant de convoler au moment de fonder une famille. Bref, conclut le document, et je cite:

C'est plutôt le phénomène de rejet du mariage comme institution qui, après avoir touché la vie de couple, s'est étendu à la vie de famille.

À prendre connaissance de ces chiffres, on peut comprendre que certaines personnes soient inquiètes et qu'elles cherchent par tous les moyens à préserver la famille dite traditionnelle. Maintenant, faut-il que cela se fasse à l'exclusion, voire au dénigrement d'autres modes de vie?

Vous me permettrez, honorables sénateurs, de reprendre les paroles du juge Iacobucci qui, dans l'arrêt Egan, s'interrogeait, et je cite:

Je n'arrive pas à comprendre comment l'octroi aux couples de même sexe de bénéfices auxquels ont droit les couples de sexe différent gêne, dissuade ou empêche de quelque façon la formation d'unions hétérosexuelles. Où se trouve la menace?

Honorables sénateurs, en comité nous avons pu entendre des propos très durs envers les gais et lesbiennes, des propos auxquels aucune personne qui vit dans une société libre et démocratique ne croit devoir être confrontée un jour. Ces propos, dont certains allaient aussi loin que d'associer homosexualité avec inceste et pédophilie, ce qui défie toutes les statistiques, ont étayé ma conviction quant à l'impératif d'adopter le projet de loi C-23. Si ce projet de loi n'a pas la prétention de changer les mentalités, au moins il envoie le message très clair à l'effet que devant l'État fédéral, tous les citoyens et toutes les citoyennes ont la même valeur, et ce, nonobstant leur orientation sexuelle.

En somme, celles et ceux qui se sont opposés au projet de loi C-23 en s'appuyant sur une vision quelque peu fixiste de la famille, l'ont fait en rejetant ces valeurs mêmes qui animent la Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada: l'égalité de toutes et de tous devant la loi, la tolérance à la diversité, le respect des choix posés par les autres même s'ils ne rejoignent pas les siens propres.

Toujours dans le camp des opposants au projet de loi C-23, beaucoup ont insisté pour que le projet de loi s'applique à toutes les relations de dépendance, par exemple entre une mère et sa fille qui vivent ensemble dans une relation de dépendance financière. Mais que faire le jour où la fille décidera ou bien d'entrer dans une union de fait avec un homme ou une femme, ou bien encore de se marier avec l'élu de son c9ur? Le nouveau couple ainsi constitué devra-t-il assumer financièrement la mère, par exemple en lui payant une pension alimentaire? La rente du régime de pension de la mère sera-t-elle calculée en tenant compte du revenu du couple? Et cette rente devra-t-elle être incluse dans la déclaration de revenu du couple? À la mort de la mère, le couple recevra-t-il la pension de survivant de celle-ci?

Les questions entourant les relations de dépendance économique sont importantes et complexes. Elles ont de vastes conséquences pour les particuliers et la société dans son ensemble. Il faut donc mener des études plus fouillées pour déterminer s'il conviendrait, dans tous les cas ou au moins dans quelles situations, de traiter les relations familiales de la même manière que les couples mariés et les couples vivant en union de fait.

Loin d'empêcher la discussion sur la question de savoir si on doit reconnaître la nature et la réalité des nombreux types de relations de dépendance économique, le projet de loi C-23 la stimulera. En effet, cette réflexion est déjà amorcée puisque la question plus générale des relations de dépendance a été soumise à un comité parlementaire pour un examen approfondi. Mais d'ores et déjà, ce qui de mon point de vue est certain, c'est qu'il y a une différence entre, d'une part, un mariage ou une union de fait et, d'autre part, une relation avec un autre membre de sa famille. Conséquemment, cela implique que les obligations qui se rattachent au mariage et aux unions de fait pourraient ne pas pouvoir être imposées aux autres relations de dépendance.

En effet, les avantages que suppose la dépendance seraient sans doute les bienvenus dans les autres relations de dépendance, mais il n'est pas certain que les obligations juridiques se rattachant au mariage et aux unions de fait devraient être imposées à des personnes à l'égard des membres de leur famille avec qui ils vivent.

Pour terminer avec les arguments contre le projet de loi C-23, certaines voix se sont élevées pour dire que reconnaître les couples de même sexe coûterait trop cher au Trésor public. Disons d'abord que le ministère des Finances estime que les répercussions des modifications engendrées par le projet de loi C-23 seront neutres en termes financiers, voire nulles. Mais surtout, la reconnaissance des couples de même sexe est une question de droits de la personne et non une question d'argent.

(1630)

Pour citer l'organisme EGALE:

La discrimination est inacceptable dans une société libre et diverse et l'égalité ne doit jamais être mise en vente.

Comme l'affirmait Me Claudine Ouellet de la Coalition gaie et lesbienne du Québec, depuis toujours les lesbiennes et les gais sont des citoyens à part entière lorsque vient le temps de payer des impôts et des taxes; ce n'est que simple justice que cette pleine citoyenneté leur soit reconnue lorsque vient le temps d'accéder au régime des avantages que l'État fédéral met à la disposition de la population.

J'en viens maintenant aux arguments des nombreux témoins qui ont salué, avec plus ou moins de réserve, l'avènement du projet de loi C-23. La réserve de plusieurs - je la mentionnais au début de mon intervention - résidait dans l'inutilité de la règle d'interprétation. Je ne reviendrai pas là-dessus maintenant; cette règle a réussi le tour de force de rallier dans le mécontentement tant les personnes qui s'opposaient au projet de loi C-23 que celles qui le soutenaient.

Moult témoins se sont rendus au jugement du gouvernement pour dire que le projet de loi C-23 était d'abord et avant tout une question d'équité et d'égalité. Le gouvernement doit veiller à ce que la loi reflète ces deux valeurs. Au moment d'étendre les avantages, le gouvernement examine s'il existe des devoirs correspondants et s'il n'y a pas lieu d'imposer des obligations pour assurer l'équité et l'égalité. La Loi sur la modernisation des avantages et des obligations fait en sorte d'appliquer le même régime d'avantages et d'obligations aux conjoints de fait de sexe opposé et de même sexe. Mais le projet de loi C-23 va plus loin que cela, puisqu'il permet d'aligner les faits sur les valeurs en mettant un terme à l'incohérence entre, d'une part, la valeur d'égalité telle qu'exprimée par l'article 15 de la Charte et, d'autre part, les nombreuses dispositions discriminatoires envers les couples de même sexe dont se tissaient jusqu'à maintenant plusieurs des lois fédérales.

Ayant dit cela, honorables sénateurs, je ne peux aussi m'empêcher d'attirer votre attention sur le fait qu'il existe plusieurs façons d'interpréter l'égalité. D'une part, certaines personnes diront que l'égalité consiste à traiter tout le monde de la même façon, et ce, nonobstant les modalités d'insertion des gens à la communauté politique. C'est l'approche de l'égalité de traitement, celle-là même qui est adoptée dans le projet de loi C-23. L'exemple le plus manifeste de cela est la taxe à la consommation: peu importe que vous gagniez 1 000$ ou 100 000$ par année, vous payez la même taxe à la consommation sur le bien que vous acquerrez. Bien sûr, le gouvernement a prévu certaines dispositions pour corriger l'inégalité ainsi engendrée, par exemple un remboursement partiel de la TPS pour les familles à faible revenu. Cette compréhension de l'égalité ne tient pas compte du fait que, dans la société, les individus ne sont pas égaux parce qu'ils ne bénéficient pas des mêmes conditions de vie. Dans ce contexte, appliquer le même traitement à tout le monde ne peut que reproduire l'inégalité sous le couvert de l'égalité.

Une autre compréhension de l'égalité, dite de l'égalité substantive, consiste plutôt à tenir compte du fait qu'au départ, les personnes ne bénéficient malheureusement pas des mêmes conditions dans la société et à aménager des stratégies pour qu'elles atteignent cette égalité. Le meilleur exemple de cela tient dans l'action positive: partant du fait qu'il existe une inégalité qu'il est souhaitable de dépasser, l'action positive vise à traiter des entités de façon différente pour qu'en bout de piste soit atteinte l'égalité. L'équité salariale découle de la même rationalité.

Pour ce qui est des rapports sociaux de sexe, le gouvernement a compris cela et soumet régulièrement ses décisions à une analyse comparative entre les sexes. Une décision a-t-elle les mêmes conséquences sur les femmes et sur les hommes? La plupart du temps, la réponse est non. Pourquoi ne pas en faire autant pour les hétérosexuels et les homosexuels? La Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe a fait une proposition en ce sens, et je cite:

[...] que les fonctionnaires des ministères et des agences gouvernementales concernés par l'application des changements législatifs visant la reconnaissance juridique des couples de même sexe reçoivent une formation adéquate sur l'hétérosexisme et les réalités lesbiennes et gais leur permettant de mieux desservir cette nouvelle clientèle.

(1640)

Pensons simplement à l'obligation qui sera faite, par exemple pour réclamer un remboursement de TPS, de dévoiler l'identité de son conjoint. Bien sûr, toutes les informations transmises à Revenu Canada sont confidentielles. Mais nous savons tous qu'une fuite est toujours possible et que, dans certains contextes, elle peut avoir des conséquences très fâcheuses. C'est dans cette perspective que la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe a recommandé que le gouvernement fédéral applique les changements législatifs engendrés par le projet de loi C-23 avec, et je cite:

[...] souplesse, discrétion et discernement [...] sachant que la divulgation de l'orientation sexuelle peut causer préjudice en certaines circonstances.

Je suis en accord avec cette proposition. Dans une société qui pose l'hétérosexualité comme la norme, déclarer que son conjoint est de sexe opposé est un témoignage de conformité; dire que son conjoint est de même sexe peut signifier de s'exposer à des préjudices de toutes sortes. Je vais vous donner un exemple de cela. Récemment, je lisais dans un entrefilet du Devoir qu'une association à caractère social pour les lesbiennes et les gais avait vu le jour sur la base militaire de Val Cartier, située dans la région de Québec. Même si les lesbiennes et les gais ont maintenant droit d'existence dans les Forces canadiennes, la personne interrogée tenait néanmoins à conserver l'anonymat. Elle déclarait aussi que le groupe avait reçu toutes sortes d'appels bizarres.

Le Canada se veut une société ouverte, plurielle et moderne. Mais laissez-moi vous dire, honorables sénateurs, qu'après tout ce que j'ai entendu au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, je sais maintenant que le Canada renferme aussi certaines pochettes de résistance face à l'homosexualité. J'irais même jusqu'à dire qu'il existe un espace d'homophobie au Canada. C'est pour réagir à cette malheureuse situation que, de nouveau, je vous fais part d'une proposition mise de l'avant par la Coalition québécoise pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe qui recommandait, et je cite:

[...] que le gouvernement fédéral en partenariat avec les organismes de défense des droits des gais et lesbiennes mettent en oeuvre une campagne d'éducation populaire auprès du public visant à contrer l'homophobie et la discrimination à l'égard des gais et lesbiennes, notamment en milieu de travail.

Je ne reviendrai pas à ce que j'ai dit le 2 mai dernier à propos de ces jeunes gens qui cherchent à se donner la mort, et qui parfois parviennent à leur fin, au moment où ils découvrent leur homosexualité. Selon plusieurs intervenants au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le projet de loi C-23 est un pas dans la bonne direction, puisqu'il envoie le message que devant l'État fédéral toutes les Canadiennes et tous les Canadiens sont égaux, peu importe leur orientation sexuelle. Mais, vous le savez comme moi, honorables sénateurs, si la loi peut aider à changer les mentalités, cet objectif ne peut être atteint sans une campagne d'information populaire.

Honorables sénateurs, un jour ou l'autre vous avez tous entendu des blagues sur les homosexuels - à propos des femmes aussi, j'en suis certaine! D'aucuns arguent que ces blagues sont anodines et que chercher à les éliminer est purement et simplement de la rectitude politique. Récemment, le Québec a pu réfléchir - bien timidement - à la question, alors que s'est engagé un certain débat public sur la question de l'humour et de l'homosexualité. Il faut espérer que ce débat se poursuive, qu'il s'approfondisse et qu'il s'étende à d'autres minorités sociales. Ce qui est certain, c'est qu'une campagne d'information populaire est souhaitable pour éliminer ces préjugés encore omniprésents envers les lesbiennes et les gais.

Comme le faisait remarquer l'Association du Barreau canadien, le projet de loi C-23 s'inscrit dans une tendance croissante qui gagne tout le pays à reconnaître par voie législative les couples de gais et de lesbiennes. Le projet de loi C-23 n'est pas avant-gardiste, bien des gouvernements municipaux et provinciaux et de grandes compagnies ayant depuis un certain temps déjà étendu à leurs employés vivant dans une relation homosexuelle, le régime des avantages à la disposition de leurs employés hétérosexuels. Il faut espérer, comme l'ont souhaité bien des témoins, que le projet de loi C-23 incitera d'autres compagnies privées, d'autres gouvernements municipaux et provinciaux qui ne l'ont pas encore fait à reconnaître les couples de même sexe.

Le projet de loi C-23 est synonyme de modernité; il est le fruit de l'évolution de la société canadienne et il annonce déjà de nouveaux défis. Comme l'ont noté quelques témoins, dont l'Association du Barreau canadien, le projet de loi C-23 laisse dans l'ombre les bisexuels et les transsexuels qui, avant longtemps, réclameront aussi leur droit à l'égalité. Pour ceux d'entre vous qui êtes des libéraux, vous savez que les jeunes de notre parti se sont prononcés en faveur de la reconnaissance du mariage des lesbiennes et des gais. En comité parlementaire, des témoins ont abordé la question du droit à l'adoption pour les couples de lesbiennes et de gais. Il faut s'attendre aussi qu'avant longtemps se posera la question de l'accès des lesbiennes aux nouvelles technologies de reproduction, des procédés encore réservés aux couples hétérosexuels. Ce ne sont là que quelques-uns des défis auxquels le législateur devra répondre au cours des prochaines années.

Honorables sénateurs, je vous invite à voter pour l'adoption du projet de loi C-23. Comme je le mentionnais au début de mon intervention, l'adoption de ce projet de loi s'impose pour plusieurs raisons. Il s'impose d'abord afin de lutter contre la discrimination qui frappe les lesbiennes et les gais. Il s'impose aussi par souci d'équité: les homosexuels ne peuvent qu'assumer les obligations, mais doivent aussi bénéficier du régime des avantages offert par l'État canadien. L'adoption du projet de loi C-23 s'impose parce qu'il en va d'une question d'égalité: les lois doivent être conformes à l'article 15 de notre Charte. Son adoption s'impose enfin comme témoignage de tolérance et d'ouverture à la diversité ainsi que de respect envers l'autre.

[Traduction]

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je veux faire quelques observations au sujet du projet de loi C-23. Je ne mets pas en doute la légitimité de cette mesure législative. Je pense que ce projet de loi relève de la justice la plus élémentaire. En fait, il aurait dû être déposé bien plus tôt. Le gouvernement n'aurait pas dû attendre que les tribunaux se prononcent. À partir du moment où l'on a reconnu que les avantages devaient être accordés aux conjoints de fait, il était tout simplement juste et légitime que nous reconnaissions toutes les unions de fait, et nous étions légalement tenus de le faire. Je pense que c'est ce que fait le projet de loi C-23.

Je ne veux pas insister indûment sur le fait que j'appuie le projet de loi. Cependant, je veux faire trois observations au sujet de questions qui ont été soulevées lors de l'étude du projet de loi devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Le projet de loi était censé viser l'octroi d'avantages aux conjoints de même sexe, mais l'inclusion de l'article 1.1, le fait d'inclure pour la première fois dans un projet de loi la définition du mariage, a conféré un caractère un peu politique à l'affaire. Ce n'est certainement pas une bonne politique gouvernementale. Cet aspect a causé tout un émoi des deux côtés. Les représentants de la communauté homosexuelle ont dit que c'était là une invitation à contester la loi devant les tribunaux, que c'était comme agiter un drap rouge devant un taureau. Ils n'étaient pas heureux de l'inclusion de l'article 1.1 dans le projet de loi, tout comme ceux qui souhaitaient le maintien d'une définition plus traditionnelle du mariage.

Honorables sénateurs, la ministre est venue nous dire que le projet de loi ne portait pas sur le mariage et qu'il ne visait en aucun cas à définir, élargir ou modifier le concept du mariage. Si c'était vrai, et si le reste du projet de loi n'a rien à voir avec le mariage, pourquoi alors le gouvernement a-t-il choisi d'y inclure l'article 1.1? En faisant cela, il a indirectement soulevé une question chargée d'émotion et qui n'aurait dû être abordée que dans un projet de loi distinct. Si le gouvernement voulait légiférer sur la question du mariage, il n'avait qu'à le faire, mais à le faire ouvertement. J'ignore à quel groupe le gouvernement essayait de plaire. J'ignore quel électorat le gouvernement voulait satisfaire en présentant l'article 1.1 ou s'il visait à embrouiller les choses et à satisfaire tout le monde à la fois. Mais cet article a anéanti toutes les chances de tenir un débat public raisonné et de faire l'éducation du public, deux éléments très importants lorsqu'on parle de concepts sociaux et humains.

Les deux camps entendus par le comité sont restés inflexibles et ont même à l'occasion fait montre d'intolérance vis-à-vis leurs opposants, un camp étant peut-être plus intolérant que l'autre. Cependant, en ajoutant l'article 1.1 au projet de loi, le gouvernement n'a fait avancer en rien le débat public sur la justice sociale au Canada. Cela a détourné l'attention du reste du projet de loi, qui parlait de justice et, selon moi, cela a suscité une querelle nuisible dans notre société pluraliste.

Tout ce que je peux dire, c'est que si le Parti libéral veut tellement modifier la définition de mariage, il devrait le faire de façon franche. Ce devrait être une question de politique publique distincte de la question des avantages aux conjoints de même sexe.

Je crois que le projet de loi C-23 sous sa forme initiale était tout à fait adéquat et équitable et qu'on n'aurait pas dû y ajouter la disposition 1.1. Comme beaucoup de groupes nous l'ont signalé, cette disposition a été ajoutée à la dernière minute au moment où ils ne pouvaient faire part de leur opinion parce qu'ils avaient déjà témoigné devant le comité à l'autre endroit. Le fait de nous saisir de cette question à la fin de cette session nous place dans une situation délicate, car si nous retardions l'adoption de cette mesure, nous menacerions la réalisation de l'objectif visé au départ par ce projet de loi.

Si le gouvernement voulait rassembler les Canadiens, en rationalisant nos différences, en essayant de trouver une façon, grâce à l'éducation et au dialogue, de parvenir à une position plus juste et équitable sur les questions de mariage et d'homosexualité, il a certes choisi une mauvaise méthode en ajoutant la disposition 1.1. Elle va à l'encontre des traditions d'une bonne pratique législative au Canada que tous les partis ont suivies dans le passé.

Honorables sénateurs, je déplore vraiment que la disposition 1.1 ait été ajoutée au projet de loi C-23. J'aurais proposé un amendement n'eut été du fait que de nombreux groupes ont déclaré que, parce que nous avons été saisis du projet de loi très tard au cours de notre session, un amendement aurait retardé l'entrée en vigueur des dispositions justes et équitables du projet de loi C-23, si on l'avait renvoyé à la Chambre des communes. Je n'ai pas obtenu un appui suffisant parmi mes collègues pour présenter un amendement et en conséquence, je ne l'ai pas fait.

Je voudrais soulever deux autres questions qui touchent la collectivité autochtone. Là encore, dans le projet de loi C-23, nous constatons que le gouvernement du Canada n'a pas respecté sa responsabilité constitutionnelle de consulter les autochtones. Dans le projet de loi C-23, les articles 89 et 148 vont faire en sorte que les dispositions du projet de loi C-23 s'appliquent tout d'abord à la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec et ensuite, à la Loi sur les Indiens.

Même si je pense qu'il est juste que les prestations aux conjoints de même sexe soient appliquées de façon uniforme au Canada, la Constitution exige que le gouvernement consulte les autochtones avant d'agir sur toute question. Les dirigeants autochtones ont dit qu'ils voulaient des avantages équitables pour les premières nations et qu'ils ne veulent pas éviter l'application de la Charte canadienne des droits et libertés, mais la Charte parle des coutumes, pratiques et traditions des autochtones qu'on doit respecter, ainsi que de chances égales pour tous. Il est décevant sinon consternant de constater que le gouvernement n'a pas consulté les Cris et les Naskapis avant de présenter le projet de loi C-23, pas plus que la communauté autochtone et les associations de chefs avant de présenter la disposition visant la Loi sur les Indiens.

Au cours des audiences de notre comité, honorables sénateurs, le ministère de la Justice a affirmé, très franchement d'ailleurs, que ce n'est que lorsque projet de loi a été à l'étude et qu'il a été soumis au Sénat que l'on a sérieusement songé à communiquer avec la communauté autochtone. C'est grâce au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qu'ils ont considéré l'affaire avec sérieux. La présidente, le sénateur Milne, a écrit au ministre pour lui souligner que cette question devait être réglée avant que nous puissions procéder à l'étude des autres articles. Nous avons reçu une lettre du ministre Nault qui soulignait qu'il y aurait des discussions sérieuses avec la nation Naskapi avant la mise en oeuvre de l'article 89. C'est inacceptable. La Charte des droits et libertés précise que non seulement on doit les consulter avant de prendre quelque mesure que ce soit, mais qu'on doit tenir compte de leur opinion.

(1650)

Heureusement, et c'est probablement davantage grâce au gouvernement qu'au peuple autochtone, le sénateur Milne a réussi à obtenir une lettre de la ministre McLellan. Je ne citerai qu'une partie de cette lettre où elle dit:

Donc, si après que les règlements auront été discutés à fond avec la Nation naskapi et les autres nations concernées, on n'a trouvé aucun moyen de les rédiger de façon à respecter les inquiétudes des communautés et les protections qu'apporte la Charte, sans incompatiblité avec les conventions, il y aura lieu de modifier celles-ci, ce qui exigera bien entendu l'accord des parties. Je demeure malgré tout persuadée que les règlements corrélatifs aux modifications peuvent être rédigés de façon à satisfaire les inquiétudes de la communauté, le tout en conformité avec les conventions.

Sur la foi de ces deux lettres qu'il a reçues, le comité a recommandé l'approbation du projet de loi C-23, persuadé que ces deux dispositions, les articles 89 et 148, ne seraient pas mises en oeuvre tant qu'elles demeurent incompatibles avec la Charte.

Honorables sénateurs, je siège au Sénat depuis sept ans. Chaque fois qu'un projet de loi concernant les autochtones est présenté, c'est toujours à la toute fin que le gouvernement s'engage à consulter les autochtones et promet qu'il en tiendra compte dans les règlements. On nous raconte chaque fois que c'est une erreur, que ça ne se reproduira plus.

Honorables sénateurs, j'étais là lors du débat sur le projet de loi sur l'enregistrement des armes à feu, alors que les autochtones n'ont pas été suffisamment consultés à cet égard. Avec le projet de loi C-49, on nous a encore répété que ça ne se reproduirait plus. Nous voilà maintenant saisis du projet de loi C-23. On dirait que chaque fois que nous sommes saisis d'un projet de loi, il se passe quelque chose au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui empêche la tenue de consultations. Est-ce l'affaire du ministère de la Justice? Est-ce l'affaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien? Je l'ignore, mais c'est l'affaire d'un seul gouvernement, un gouvernement qui doit commencer à prendre au sérieux ses responsabilités fiduciaires. Il doit se conformer à la Charte et il doit entreprendre des consultations longtemps à l'avance. Ce n'est pas un projet de loi qui a surgi comme par enchantement; il est connu du gouvernement depuis fort longtemps. Autrement dit, le gouvernement a eu amplement d'occasions de consulter les autochtones.

Cela étant dit, j'ai consulté les Cris et les Naskapis et il semble qu'une fois de plus ils vont se contenter des assurances du gouvernement voulant qu'il ne fera rien sans les consulter comme il se doit. Comme ce n'est pas la première fois que je soulève cette question, j'ose espérer que le gouvernement comprendra que, pour ma part, je n'accepterai plus dorénavant une mesure législative accompagnée de la mention «nous allons négocier». Je n'accepterai qu'une mesure législative qui fait suite à des consultations. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est énorme pour les autochtones.

Dans cette veine également, je vous souligne à titre d'avertissement le fait que l'article 148 du projet de loi évoque la Loi sur les Indiens. Nous avons dû de nouveau rappeler qu'il n'est pas question du sort des femmes autochtones, pour quelque raison que ce soit. Après le projet de loi 49, on nous a dit qu'il y aurait un examen de la question des droits à la propriété et des droits des femmes - tout ce qui a été inscrit dans la Loi sur les Indiens et qui exige une consultation avec la collectivité autochtone. Je n'ai pas encore entendu dire que la collectivité autochtone n'entrerait pas en consultation avec le gouvernement. Il me faudrait d'abord savoir si le gouvernement a cherché à mener des consultations. Par ailleurs, nous avons eu l'assurance que le ministre Nault a dit - comme l'avait fait avant lui la ministre Jane Stewart - que le gouvernement commencera à étudier l'incidence que peut avoir la Charte relativement à la Loi sur les Indiens et qu'il y aura une étude complète et une pleine consultation de la collectivité autochtone. Je demande simplement combien de temps encore les collectivités autochtones devront attendre avant que cette affaire soit démêlée? Il y a eu une réduction fondamentale des droits des femmes autochtones ainsi que des droits des couples de même sexe et en union libre dans les collectivités autochtones. Ces droits doivent être éclaircis. Cette tâche ne peut être accomplie que conjointement, avec la plein coopération du gouvernement fédéral, et à son initiative. Le gouvernement doit prendre cette question au sérieux. Ces problèmes s'étendent sur des années, et je suis en mesure de dire que sept ans, c'est assez.

Honorables sénateurs, j'admire la collectivité autochtone qui a attendu beaucoup plus que sept ans dans ce dossier. Ces problèmes accessoires sont des problèmes fondamentaux qui sont omniprésents dans le projets de loi C-23 et de nombreux autres projets de loi. À mon avis, il est bon sur le plan de la politique officielle que le gouvernement commence à aborder les problèmes de la collectivité autochtone. J'espère que mon intervention aura au moins une incidence, et je remercie le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d'avoir partagé mes vues sur l'importance de ces questions. J'espère que nous arriverons collectivement à influencer ce gouvernement afin qu'il modifie ses pratiques dans ce secteur.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, dans ses remarques, le sénateur Andreychuk a mentionné une lettre de la ministre de la Justice. Je crois qu'elle en a cité un extrait. Pourrait-elle déposer la lettre au complet?

Le sénateur Andreychuk: Il y a deux lettres. L'une vient du ministre Nault et l'autre, de la ministre McLellan. Je crois comprendre qu'elles avaient été déposées avec le rapport du comité, mais je ne vois pas de problème, avec la permission du Sénat, à les déposer de nouveau.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, permission est-elle accordée de déposer les lettres?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la citoyenneté au Canada

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finestone, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-16, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, c'est un honneur unique de pouvoir prendre la parole à propos du projet de loi C-16 à l'étape de la deuxième lecture. Je vais signaler, au nom de l'opposition, plusieurs préoccupations et plusieurs faiblesses du projet de loi dont les sénateurs voudront peut-être débattre au cours de l'étude de cette mesure législative.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-16 remplace le projet de loi C-63, qui est mort au Feuilleton au moment de la prorogation l'an dernier. Le comité à l'autre endroit a écouté de nombreux témoins dans le cadre de son étude du projet de loi C-63. Il a décidé majoritairement de n'entendre que quelques témoins à propos du projet de loi C-16. Le Sénat, sans avoir pu faire une étude préalable, examinera la question pour la première fois.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-16 porte sur la citoyenneté canadienne. Bien qu'il soit temps d'apporter des modifications à la Loi sur la citoyenneté, nous devons tous savoir que ce projet de loi aborde très peu la signification que revêt la citoyenneté canadienne pour l'ensemble de la population canadienne, pas seulement pour les Canadiens fraîchement immigrés.

En ce début de millénaire, nous devrions chercher à unir les Canadiens avec un sentiment de fierté à l'égard de leur citoyenneté. Au fil de mes voyages, j'ai constaté que les étrangers nous identifient aux valeurs de la primauté du droit et à la sécurité qu'elle procure, ce qui n'existe souvent pas dans leur pays. Ils reconnaissent ce que signifie être Canadien.

(1700)

Des personnes immigrées dans ce pays ont parlé avec émotion de ce que signifiait devenir citoyen canadien et il est vrai que certains de nous qui sommes nés au Canada considèrent que c'est une bénédiction.

Un projet de loi concernant la citoyenneté en l'an 2000 doit comporter un préambule et dépeindre ce que représente à nos yeux la citoyenneté canadienne. À notre avis, le projet de loi C-16 montre que le gouvernement n'a pas compris et n'a pas su définir ce que devrait être la citoyenneté canadienne et ce qu'elle est effectivement aux yeux de plus de 31 millions d'habitants de ce grand pays.

Celui qui s'est le mieux rendu compte de la nécessité de définir ce pays a été Joe Clark qui, au début des années 70, en a parlé comme de la «communauté des communautés», une référence à la formidable diversité culturelle, géographique et linguistique du Canada. Près de 30 ans après, aucune autre définition ou euphémisme n'a su, non plus que ce projet de loi, capter la simplicité et l'exactitude de cette caractérisation.

Contrairement au principe de la «communauté des communautés», ce gouvernement essaie d'homogénéiser philosophiquement les peuples du Canada en réformant la loi sur la citoyenneté et au moyen des tests utilisés afin de déterminer à qui accorder la citoyenneté.

Le projet de loi C-16 essaie de faire une distinction encore plus nette entre les citoyens nés au Canada et les personnes qui ont immigré au Canada ou qui se sont vu accorder le statut de réfugié. S'il peut être nécessaire d'avoir un débat public afin de mieux comprendre les problèmes de l'immigration et de s'entendre sur des règles plus strictes d'admission au Canada, y compris les règles relatives aux réfugiés, il n'en va pas de même des règles concernant la citoyenneté canadienne. Nous avons le devoir de traiter tous les citoyens canadiens comme étant égaux devant la loi.

L'application régulière de la loi est une chose dont les Canadiens ont besoin et qui fait partie de l'identité canadienne. Cette question est d'autant plus complexe que nous n'avons pas encore vu les changements qu'il est proposé d'apporter à la loi sur l'immigration et les réfugiés. Les problèmes d'admission - s'il y en a - sont-ils dus aux règlements, pratiques et procédures en matière d'immigration et de réfugiés ou à un abus de la citoyenneté?

En décembre 1997, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Mme Lucienne Robillard, a commandé une étude de questions portant sur la citoyenneté et l'immigration. Certaines recommandations très litigieuses qui ont fait suite au rapport de la commission concernaient l'application aux candidats à la citoyenneté du nouveau critère de la période de résidence et du critère des connaissances linguistiques et l'élimination du caractère quasi-judiciaire du processus d'acquisition de la citoyenneté. Ces mesures, qui font l'objet d'un débat animé, constituent maintenant la base du projet de loi.

Certains estiment qu'il est trop facile d'entrer au Canada et trop difficile d'éliminer les abus. Ce sont, je le répète, des questions distinctes de la citoyenneté. Si tous les Canadiens sont réputés égaux devant la loi, nous devons veiller à ne pas miner, par l'application de ce projet de loi, la sécurité et le bien-être de toutes les personnes qui acquièrent la citoyenneté autrement que par naissance. Si les règles de droit normales ne sont pas appliquées, si le processus paraît politisé, si le plein droit de se défendre n'existe pas, tous ceux et celles qui ne sont pas Canadiens de naissance feront l'objet d'une suspicion et d'un malaise.

C'est l'aspect le plus douteux du projet de loi C-16. Quand on lit le projet de loi article par article, il paraît opportun et efficace, surtout si l'on tient pour acquis que quelqu'un, quelque part, se cache et est animé de mauvaises intentions. Si, toutefois, on privilégie la citoyenneté et souhaite que tous soient traités sur un pied d'égalité, on comprend alors le malaise et la déception exprimés par les citoyens naturalisés et en leur nom.

Le traitement que le Canada réserve à ses citoyens naturalisés, sans parler des immigrants ou des réfugiés, est pour le moins douteux. Nous les avons souvent bien accueillis, comme ce fut le cas des réfugiés de la mer vietnamiens, mais ce ne fut pas toujours le cas. Je rappelle notamment l'internement des citoyens d'origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale et des Ukrainiens et d'autres durant la Première Guerre mondiale; la taxe imposée aux immigrants chinois ou le refoulement du SS. St. Louis.

Vous avez sans doute tous des parents ou des amis qui vous ont raconté des histoires bouleversantes concernant des gens venus vivre au Canada mais qui tentaient de conserver leur patrimoine culturel. Certains d'entre eux se sont heurtés aux obstacles que rencontrent tous les immigrants. D'autres ont carrément été victimes de préjugés. Tous ont loué la politique canadienne, qui favorisait le multiculturalisme et non l'assimilation.

Honorables sénateurs, la principale lacune de ce projet de loi est qu'il donne à penser qu'il vise principalement les immigrants et les citoyens canadiens récemment assermentés. Nous croyons, au contraire, que tout projet de loi qui vise à redéfinir la citoyenneté canadienne et à en éclaircir le sens devrait viser à inculquer une définition de la citoyenneté qui englobe tout le monde et qui ne fasse pas de discrimination en fonction du moment où un immigrant a abordé nos côtes. En fait, dans son libellé actuel, ce texte ne permet pas de croire que la loi sur la citoyenneté concerne l'ensemble des Canadiens, qu'ils soient fraîchement débarqués, pour ainsi dire, ou au Canada depuis six générations.

Les immigrants récemment arrivés au Canada ont tout autant le droit à la nationalité canadienne que les immigrants reçus. À cet égard, il ne devrait pas y avoir de distinction d'établie, ni dans ce projet de loi, ni dans aucun autre. Autrement, nous nous exposerions à l'abrogation de l'obligation morale, éthique et législative qui nous est faite d'adopter des lois qui touchent l'ensemble des Canadiens et pas seulement une partie d'entre eux.

L'article 12 du projet de loi est louable en ce qu'il précise que tout citoyen, qu'il soit né ou non au Canada, jouit des mêmes droits, pouvoirs et avantages que les citoyens de naissance; il est assujetti aux mêmes devoirs, obligations et responsabilités, et son statut est le même. J'aurais préféré une définition autre de la notion de citoyenneté, une définition qui aurait englobé les personnes nées sur notre territoire et celles nées ailleurs, mais au moins l'article 12 essaie-t-il d'établir l'égalité entre ces deux catégories de personnes.

Je soulèverais dans ce contexte plusieurs grandes préoccupations. Dans un premier temps, il est à présent du ressort des bureaucrates et de l'exécutif de décider, sans le moindre examen, à toutes fins pratiques, par le pouvoir judiciaire agissant en frein et contrepoids institutionnel, de l'opportunité d'attribuer la nationalité à un individu ou de la répudier. Il n'existe donc pas de critères objectifs au-delà de la sphère politique du jour.

Ainsi, la Chambre des Communes a amendé le projet de loi pour qu'il soit question aux articles 16 et 17 de «la dissimulation intentionnelle de faits essentiels». Le gouvernement n'y avait pas songé. Il serait certainement utile d'ajouter la mention «intentionnelle» car on ne voudrait pas attraper des individus qui ont peut-être fait une fausse déclaration ou omis de fournir des éléments d'information sans savoir que cette obligation existe ou est si importante. L'inclusion du mot «intentionnelle» rend le projet de loi plus équitable.

L'article 17, qui est l'un des plus controversés, précise que le ministre doit établir le rapport mentionné à l'article 16 lorsqu'il est convaincu, à propos d'une personne, que l'attribution, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

(1710)

Conformément à l'article 17, le ministre doit envoyer un avis. Toutefois, et c'est tellement intéressant que j'espère que le comité se penchera là-dessus, l'alinéa 17(1)a) prévoit simplement ceci:

[...] l'intéressé n'a pas, dans le délai imparti, demandé[...]

Ainsi de suite. Comme le projet de loi n'est pas précis, devons-nous nous fier aux Règles de la Cour fédérale selon lesquelles l'intéressé doit être au courant de cet avis? Le fait que cela n'est pas dit clairement ici inquiète nombre de personnes qui ont examiné ce projet de loi.

Le projet de loi exclut tout appel par voie judiciaire. Des députés et des hauts fonctionnaires ont beaucoup insisté sur le fait qu'il y aura des recours en révision, mais aucun appel auprès de la Section de première instance de la Cour fédérale.

Nous en sommes venus à comprendre en droit canadien que les juges, les bureaucrates et les ministres ne sont pas infaillibles. Voici qu'on nous dit qu'un ministre prendra une décision et qu'il en avisera l'intéressé, qui pourra ensuite s'adresser à la section de première instance, dont le jugement sera définitif. Les recours en révision ne sont pas équivalents à des appels. Il serait trop long d'expliquer ici en quoi ils diffèrent. Qu'il suffise de dire que, pour des raisons d'équilibre, un appel devrait être autorisé.

Certains prétendent que les appels prennent trop de temps. Et pourtant, au civil comme au criminel, les appels sont autorisés. En cas de délit mineur, les gens ont droit d'interjeter appel, car on comprend que des erreurs peuvent se produire et que ces erreurs peuvent causer un préjudice aux intéressés.

Certes, le fait de déposséder une personne de sa citoyenneté est tellement grave qu'un appel est justifié. Je ne vois rien d'aussi grave que cela en droit civil.

S'il s'agissait de l'un d'entre nous, nous ferions preuve d'une extrême prudence. Quand avez-vous fait l'objet d'un ordre gouvernemental sans appel ni recours habituel? Cela est digne de pays que beaucoup ont fuis. Nous ne sommes certes pas aussi pressés. N'avons-nous rien appris du processus pénal? Un procès n'aboutit pas toujours à un jugement juste et un appel est justifié.

Un simple recours en révision ne va pas au coeur du problème, mais vise simplement à déterminer si le gouvernement a respecté la loi. Dans ce cas-ci, toutefois, la loi favorisera le ministère et le ministre. La ministre prendra la décision initiale, la ministre et le ministère jugeront l'affaire, et la ministre dit qu'il n'y aura aucun appel.

Il est exact qu'on peut toujours interjeter appel pour des raisons humanitaires, mais on est encore très éloigné de ce qui serait une question de justice naturelle, à mon avis.

L'article 18 fait aussi problème. Cet article accorde jusqu'à cinq ans au ministre pour annuler la citoyenneté. Il s'agit d'un autre sujet d'inquiétude pour ceux qui sont assujettis au processus. Encore une fois, il n'y a pas d'appel, mais simplement un contrôle judiciaire. On se demande de nouveau ce que signifie l'avis de 30 jours.

Pour des raisons d'efficacité et de coûts, je suppose, on a court-circuité ce qui serait un droit fondamental des citoyens d'en appeler, d'avoir un processus où, lorsqu'on dirait à quelqu'un: «Vous avez la citoyenneté», cela voudrait dire quelque chose. On ne la retirerait que dans les cas importants où ce serait fort justifié.

Pourquoi a-t-on ajouté la fausse identité comme étant une interdiction? Le sénateur Wilson a fait valoir que, par nécessité, de nombreux réfugiés utilisent une fausse identité pour entrer au Canada. La fausse identité a été ajoutée à l'article 28 - qui figure sous «Sécurité nationale». Voulait-on laisser entendre que quiconque utilise une fausse identité fait partie de ceux qui présentent un risque pour la sécurité nationale? Le ministère doit fournir plus d'explications à cet égard.

La partie 4 habilite le gouvernement à refuser la citoyenneté dans l'intérêt public. C'est particulièrement inquiétant. Il s'agit d'un élément nouveau. Non seulement l'intérêt public n'est pas défini, mais, aux termes du paragraphe 22(3), ce décret n'est pas susceptible d'appel ni de contrôle judiciaire. La décision dépend entièrement des politiciens, c'est-à-dire, de l'exécutif et des fonctionnaires du ministère.

Honorables sénateurs, même si le terme «intérêt national» est défini et a donné lieu à une interprétation judiciaire, il n'est pas défini dans le sens où il sera appliqué en vertu de cette disposition. Ceux qui participent au processus ne seront nullement réconfortés de savoir que la vague notion portant le nom d'«intérêt public» reste à définir. Il va sans dire que, si cette notion doit s'appliquer, il doit y avoir une spécificité telle que tout le monde saura ce qu'elle signifie et ils pourront se conduire en conséquence.

Il faut comprendre qu'il n'est pas question de menaces envers la sécurité nationale. Il en est question ailleurs dans le projet de loi. C'est une nouvelle disposition qui dit que l'on ne prend aucune mesure contre des gens qui ont commis des crimes, qui font l'objet d'enquêtes par le SCRS ou par la police. Aux termes de cette disposition, le gouverneur en conseil peut, dans l'intérêt public, vous retirer votre citoyenneté. Imaginez ce que vous ressentiriez. Peut-être cela touche-t-il certains d'entre nous dans cette Chambre. Le gouverneur en conseil peut, en tout temps, selon sa définition de l'intérêt public, vous retirer votre citoyenneté. L'article 12 consiste-t-il à égaliser les chances? Je ne le pense pas.

En revanche, aux termes de l'article 9, le gouverneur en conseil peut accorder la citoyenneté. L'article 9 expose certaines des conditions selon lesquelles le gouvernement peut immédiatement accorder la citoyenneté, pour des raisons humanitaires ou autres. Le gouverneur en conseil peut accorder la citoyenneté en récompense de services d'une importance exceptionnelle. Qui détermine cela, pour quels services et de quelle manière? On espérerait qu'il l'accordera au prochain champion olympique, mais qu'est-ce que cela signifie réellement? Encore une fois, nous devons croire sur parole le gouverneur en conseil quant au fait que cet article est méritoire et qu'il doit être inclus.

Imaginez-vous attendant votre tour pour devenir citoyen, après avoir suivi le règlement pour obtenir votre citoyenneté et lisant dans les journaux que quelqu'un l'a obtenue immédiatement, grâce à une largesse du gouvernement actuel?

L'article 9 et la partie 4 donnent le sentiment qu'on est à la merci du gouvernement actuel. Honorables sénateurs, j'ai travaillé dans des pays où le gouvernement accordait et retirait la citoyenneté. Personnellement, je vais lutter contre toute tentative visant à autoriser le gouvernement à accorder des largesses liées à la citoyenneté. Nous avons sans aucun doute progressé depuis les années 20 et une application régulière de la loi ainsi que des règles définies serviront sans aucun doute mieux notre pays.

(1720)

Les honorables sénateurs voudront peut-être aussi demander au gouvernement d'expliquer les paragraphes 23(5) et 23(6) du projet de loi. Les deux articles se trouvent sous la rubrique «Sécurité nationale» et portent sur le déclenchement des enquêtes du SCRS. Ces articles renferment un certain nombre de dispositions. On y trouve les expressions «dans les meilleurs délais» et «le comité de surveillance fait rapport [...] au moment qu'il juge opportun». Ainsi, une personne pourrait faire l'objet d'une enquête pendant aussi longtemps que les meilleurs délais le permettent et tant que le comité de surveillance le juge opportun. Serait-ce pendant un mois, un an ou une décennie? Il faut de toute évidence définir ces termes. Le gouvernement devra expliquer pourquoi cette latitude s'impose, même dans les cas d'intérêt national.

Le sénateur Wilson a soulevé deux autres points assez graves, soit le droit à la nationalité pour tous ceux qui ressortissent à la compétence du Canada, y compris la nécessité de veiller à ce que personne ne soit apatride et à ce qu'on respecte nos obligations internationales. Je ne répéterai pas ses commentaires, mais je souscris certainement à ce qu'elle a dit. Il ne s'agit pas uniquement de la situation d'apatride où peuvent se trouver certains réfugiés, mais aussi de la vulnérabilité des enfants. Il faut étudier cette question à fond.

Le sénateur Wilson a soulevé la question de la fausse identité, et je suis d'accord avec elle sur ces points.

On a souligné que le serment de citoyenneté avait été modifié. Le problème vient du fait que le serment est ambigu et inexact quant à la monarchie. Le nouveau serment de citoyenneté promet allégeance à la reine, mais ne mentionne pas la loyauté aux successeurs d'Elizabeth II. Il importe de noter cependant que la Loi d'interprétation stipule clairement que le titre de souverain englobe automatiquement les successeurs.

Une question s'impose: pourquoi le gouvernement fédéral propose-t-il ce changement sémantique alors qu'il ne modifie pas la loi? Quelle est la pensée sous-jacente à ce déplacement des mots? Le leader du gouvernement au Sénat peut-il expliquer ce changement superficiel apporté au serment? Pourrait-il commenter la position du gouvernement sur le maintien de la monarchie au Canada?

À l'autre endroit, quelqu'un a éloquemment fait remarquer que le serment aurait pu être l'occasion d'interpeller tous les Canadiens car c'est un serment que la ministre nous encourage tous à prononcer. Puisque c'est un serment, c'est un moment de fierté, un moment d'engagement et il aurait fallu tenir compte des travaux du Parlement.

Nous avons adopté le projet de loi concernant le drapeau après y avoir consacré un débat convenable. Nous devrions certainement adopter une formule de serment en y consacrant également un débat convenable et en y faisant participer tous les Canadiens si possible.

Le projet de loi C-16 propose également de modifier le processus de décision en matière de citoyenneté. À l'heure actuelle, les juges de la citoyenneté exercent un pouvoir discrétionnaire de décision sous l'autorité d'un juge en chef. Le projet de loi C-16 remplacerait ces juges et confierait leurs fonctions à des fonctionnaires exerçant leurs activités sous l'oeil attentif du ministre.

Les fonctions honorifiques actuellement exercées par les juges seraient maintenant confiées à des commissaires à la citoyenneté nommés par le gouvernement. Il en résulterait que l'octroi même de la citoyenneté ne relèverait plus du domaine de la loi. C'est certainement déplorable.

Aux termes des alinéas 31(7)b) et 33(2)d), ces commissaires doivent encourager chez les nouveaux citoyens la participation active des citoyens au sein de la collectivité et promouvoir leur participation aux affaires de la collectivité. Est-ce que cela aura un caractère non partisan? Cela reste à voir. Comment nous assurer que ces commissaires à la citoyenneté, nommés par le gouvernement, agissent dans l'intérêt supérieur de notre société pluraliste?

Honorables sénateurs, le projet de loi élargit les exigences de résidence aux fins de l'octroi de la citoyenneté. À l'heure actuelle, la loi stipule qu'un candidat doit résider au Canada durant trois ans au moins. Cependant, les règles stipulant ce qui constitue vraiment la résidence sont vagues, discrétionnaires et non uniformes. Je félicite le gouvernement d'essayer de clarifier ces règles. La majeure partie des cas faisant l'objet d'enquête résultent de la confusion régnant dans la définition de résidence.

Le projet de loi C-16 stipule qu'un candidat doit avoir été effectivement présent au Canada durant trois ans au cours d'une période de six ans afin de devenir citoyen canadien. On constate qu'un certain attachement physique au pays constitue le meilleur moyen d'acquérir un sentiment de loyauté et d'allégeance au pays. Je suis portée à être d'accord avec ce principe. Le problème, c'est qu'il n'y a pas moyen de surveiller cette condition sauf en s'en remettant à la bonne foi du candidat.

En tant que Canadiens, nous nous enorgueillissons de notre droit intrinsèque à la liberté, celle d'entrer et de sortir du Canada à notre guise, celle de travailler hors des frontières de notre pays et celle d'échapper à la surveillance du gouvernement. Il s'agit là d'un aspect du projet de loi que nous devons examiner. Entre outre, la disposition relative à la résidence est problématique pour ceux qui voudraient devenir citoyens canadiens et qui font des affaires fructueuses à l'étranger ou qui doivent voyager fréquemment et pendant de longues périodes à l'étranger. En cette ère de mondialisation, nous devons certes déterminer si les nouvelles modifications sont suffisantes pour permettre une certaine latitude en ce qui concerne la compétitivité mondiale.

Je vais mentionner rapidement plusieurs autres points. Je crois savoir que d'autres règlements modernes régiront la citoyenneté, mais nous n'avons toujours pas pris connaissance de ces règlements. Encore une fois, une grande partie de ce qui est important aux yeux des Canadiens se perdra dans des règlements. Je me demande si, avec un document aussi sérieux que le projet de loi sur la citoyenneté, nous ne devrions pas avoir eu le privilège de prendre connaissance de ces règlements le plus tôt possible.

D'autres modifications sont apportées dans le projet de loi. Je ne les examinerai pas en détail, mais elles comprennent certaines dispositions concernant les enfants nés à l'étranger et les procédures d'adoption. Le comité devrait examiner attentivement ces questions avec la participation des citoyens.

Cela me préoccupe de savoir que les règlements définiront la relation entre parent et enfant. Bien sûr, cette disposition a de grandes répercussions pour les provinces, et nous devrions savoir où nous nous dirigeons sur cette question.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-16 néglige de reconnaître les distinctions et les différences entre tous les citoyens canadiens et de reconnaître aussi que notre pays a été fondé grâce au labeur de gens dont le désir de vivre, de travailler et de prospérer au Canada l'emportait sur les connaissances linguistiques. Je suis préoccupée par les propositions d'exiger des connaissances linguistiques.

La langue a toujours été une source de diversité dans notre pays. Au Canada, nous reconnaissons et célébrons l'existence de deux langues officielles. Cependant, le projet de loi C-16 considère comme essentielle la connaissance de l'une des deux langues officielles pour attribuer la citoyenneté. Priver de la citoyenneté des gens qui ne sont pas originaires de pays francophones ou anglophones va à l'encontre des valeurs canadiennes que sont l'égalité et l'équité.

Si le gouvernement veut sérieusement protéger les droits de la personne, il ne devrait pas enfreindre l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui dit ceci:

Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment [...] de langue [...]

(1730)

Il n'a jamais été obligatoire qu'on puisse parler l'anglais ou le français pour habiter au Canada. Cette disposition pèche par manque d'équité. Nous devons nous interroger sur sa logique et demander au gouvernement fédéral pourquoi il veut imposer des exigences d'ordre linguistique à des gens qui sont en quête d'une vie meilleure au Canada et qui ont contribué ou contribueront au bien-être et au succès de notre pays.

Il est important de se rappeler que le Canada a été fondé par des immigrants. Ces personnes travailleuses venues des horizons les plus divers sont arrivées au Canada pour bâtir une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs familles. Ce faisant, ils ont bâti un Canada meilleur. Ils ne parlaient pas tous l'anglais ou le français. Ce n'est pas un secret qu'un grand nombre ont appris les langues du Canada après avoir obtenu la citoyenneté. Jusqu'à quel point est-il important, dans la société actuelle, de poser comme condition la connaissance de l'anglais ou du français? Il faut étudier la question à fond.

Comme les honorables sénateurs l'ont probablement remarqué, la question de la citoyenneté nous tient tous à coeur. À l'exception peut-être des autochtones, aucun de nous ne peut prétendre ne pas être immigrant ou issu d'immigrants. Si nous comptons sur les immigrants pour qu'ils acceptent leurs responsabilités et leurs obligations, nous devons leur donner la paix, la sécurité et l'assurance qu'ils seront respectés et honorés comme citoyens, tout comme ceux d'entre nous qui sont nés ici assument leurs responsabilités et leurs obligations comme citoyens du Canada. Il ne faut pas qu'ils aient l'impression que des éléments de leur passé, si inoffensifs qu'ils soient, risquent de revenir les hanter.

En 1967, lorsque je pratiquais le droit, j'ai aidé des gens dans leurs démarches pour obtenir la citoyenneté canadienne. Cependant, parce qu'ils avaient assisté, en 1944, à une danse organisée dans un club financé par le Parti communiste, les services de sécurité les ont considérés comme présentant un risque. Pendant toutes ces années, ils ont vécu au Canada et ont contribué à l'essor de notre pays, mais on leur a refusé la citoyenneté canadienne. Il faut que l'individu connaisse les preuves qui pèsent contre lui. Il doit avoir un recours et la possibilité de présenter sa défense. Cela ne veut pas dire qu'aucun citoyen naturalisé canadien n'a jamais participé à d'infâmes activités. Cependant, si quelqu'un vient au Canada en provenance d'un pays dirigé selon les caprices des politiciens, il se peut qu'il ne comprenne pas les règles en vigueur chez nous.

Nous avons le devoir d'expliquer à ces personnes que nous ne nous méfions pas d'elles d'entrée de jeu, mais qu'au contraire, nous leur faisons confiance. Nous ne devrions pas agir en nous appuyant sur des preuves que nous présenterons à la Cour fédérale qui statue en se fondant sur la prépondérance des probabilités. Les tribunaux ont dit que le critère de la preuve devrait être plus rigoureux. Je ne sais pas s'il doit s'agir d'une preuve allant au-delà d'un doute raisonnable. Je sais cependant qu'une note de 51 p. 100 ne suffit pas. Les tribunaux ont dit que le critère devrait être plus rigoureux. Même s'il s'agit de causes civiles, la question de la citoyenneté est importante pour nous tous. Par conséquent, nous devrions examiner de près le projet de loi afin de nous assurer qu'il respecte le critère d'équité. De cette manière, nous pourrons donner aux gens l'assurance que nous ne prendrons pas de mesures contre eux de manière arbitraire et partiale, mais que nous ne le ferons que si nous avons des motifs valables et légitimes de le faire.

Je ne conteste pas la nécessité de mettre en place un processus. Ce que je souhaite, c'est qu'il s'agisse d'un processus juste et valable.

Honorables sénateurs, le site Web du ministère renferme une section intéressante qui s'intitule: «Bienvenue chez vous». J'ignore si le sénateur Pearson a quelque chose à voir là-dedans. La campagne «Bienvenue chez vous " invite les enfants de 5 à 13 ans à créer des messages de bienvenue à l'intention des milliers de nouveaux arrivants qui prêteront le serment de citoyenneté canadienne en 2000 et en 2001.

Honorables sénateurs, je voudrais vous lire une des lettres qui ont été rédigées. Un jeune du nom de Hayley, de Woodville, en Ontario, a adressé au site Web la lettre suivante datée de mars 2000:

Cher futur Canadien,

Je pense que vous prenez la bonne décision en venant au Canada. Le Canada est le pays le plus équitable que je connaisse, et j'ai visité beaucoup de pays. Comme le Canada a toujours été mon pays, j'ai appris qu'il tente d'offrir une chance égale à tous et que tous ces citoyens sont gentils. J'espère que lorsque vous viendrez au Canada, vous vous ferez beaucoup d'amis.

Encore une fois, soyez le bienvenu.

Honorables sénateurs, en tant que citoyens canadiens, j'estime que nous devrions nous servir de ces messages comme d'un test pour déterminer si nous sommes gentils envers les nouveaux citoyens. Faisons-nous en sorte que les nouveaux citoyens se sentent les bienvenus? Sommes-nous fidèles à notre réputation?

J'estime qu'il y a des lacunes dans le projet de loi C-16. Je crois que nous devons nous assurer de répondre aux attentes de Hayley.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Projet de loi d'exécution du budget de 2000

Deuxième lecture

L'honorable Francis William Mahovlich propose: Que le projet de loi C-32, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 février 2000, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-32, Loi d'exécution du budget de 2000. Ce projet de loi met en oeuvre 10 mesures annoncées dans le budget 2000 dont trois sont cruciales pour le bien-être des Canadiens. Elles portent sur le système d'éducation, une aide accrue aux familles ayant des enfants et l'aide financière aux étudiants. Pour pouvoir dégager les fonds à temps, ces mesures doivent être en place avant l'été. Cette date butoir ne s'applique pas aux sept autres composantes du projet de loi. Cependant, elles sont tout aussi importantes pour des millions de Canadiens et pour le fonctionnement efficace du gouvernement. Avant d'entrer dans le détail, je voudrais placer le projet de loi dans son contexte.

Dans le budget de février 2000, le ministre des Finances établit quatre éléments du cadre économique gouvernemental. Tout d'abord, le gouvernement continuera d'assurer une bonne gestion financière. Deuxièmement, il abaissera les impôts pour stimuler la croissance économique et laisser plus d'argent dans les poches des contribuables canadiens. Troisièmement, afin d'assurer l'égalité des chances, le gouvernement investira pour aider les Canadiens à acquérir les compétences et les connaissances dont ils ont besoin pour trouver des emplois qui leur conviennent. Quatrièmement, nous édifierons ensemble une économie reposant sur l'innovation, ce qui est le seul moyen pour une nation moderne de rester maître de son avenir.

Comme le savent les honorables sénateurs, le plan que le gouvernement a adopté en 1993 pour éliminer le déficit, redonner un second souffle à l'économie et créer des emplois a bien fonctionné. Le déficit est du passé, et le gouvernement prévoit son troisième, quatrième et cinquième budgets équilibrés d'affilée, ce qui ne s'était pas vu depuis près de 50 ans, mais le gouvernement n'entend pas se reposer sur ses lauriers. Notre défi c'est de miser sur cette force retrouvée.

(1740)

Voici ce que le ministre a dit dans son discours du budget:

N'oublions pas que les succès de notre pays ne sont pas uniquement le fait d'une forte croissance, mais également le fruit d'un ferme engagement envers des valeurs durables: la sollicitude, la compassion, la conviction que la prospérité née de la croissance économique doit être partagée équitablement.

Pour cette raison, la première annonce faite dans le premier budget du XXIe siècle c'est que nous allons accroître le financement pour l'enseignement postsecondaire et la santé. Ce sont les principales priorités des Canadiens et ce sont les nôtres.

Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral transfère environ 40 milliards de dollars par année aux provinces et territoires par l'entremise de trois grands programmes pour les aider à assurer des services essentiels aux Canadiens. Le plus important de ces programmes est le TCSPS qui finance les soins de santé, l'enseignement postsecondaire, l'aide sociale et les services sociaux, sous la forme de fonds et de transferts de points d'impôt. Le programme de péréquation permet aux provinces moins bien nanties d'offrir des services publics comparables à ceux offerts dans d'autres régions du pays. Le troisième programme - la formule de financement des territoires - concerne les services publics dans le Nord.

Le budget de l'an 2000 annonçait l'octroi de fonds accrus au titre du TCSPS. C'est la quatrième fois que le gouvernement fédéral renforce les paiements de transfert versés aux provinces au titre du TCSPS. Les augmentations antérieures remontent aux budgets de 1996, 1998 et 1999. À titre d'exemple, au seul chapitre de la santé, le budget de 1999 prévoyait le plus gros investissement jamais consenti depuis que le gouvernement est au pouvoir, soit 11,5 milliards de dollars.

Honorables sénateurs, la mesure législative dont nous discutons aujourd'hui modifie la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces en vue d'autoriser le paiement des 2,5 milliards de dollars supplémentaires affectés au TCSPS dans le budget de l'an 2000 aux fins des soins de santé et de l'éducation post-secondaire. Ce supplément sera distribué aux provinces et territoires en fonction du nombre d'habitants et versé dans une fiducie dans laquelle pourront puiser les provinces sur une période de quatre ans à compter de l'adoption du projet de loi C-32.

Grâce à cette mesure et à celle du budget de 1999, la composante en espèces du TCSPS atteindra 15,5 milliards de dollars au cours de chacune des quatre prochaines années, soit une hausse de 25 p. 100 par rapport au niveau de 1998-1999. Cette mesure doit être mise en 9uvre rapidement afin que cet argent dont on a grandement besoin soit affecté dans les meilleurs délais au système de santé en vue de satisfaire aux besoins pressants des Canadiens.

Une autre mesure dont la mise en place ne saurait tarder a trait au Programme canadien de prêts aux étudiants. Depuis 1994, ce programme a aidé chaque année plus de 350 000 étudiants canadiens dans le besoin à accéder à une éducation post-secondaire. Jusqu'à maintenant, le programme a été administré et appliqué au nom du gouvernement fédéral par des institutions financières. Toutefois, cette entente arrive à expiration le 31 juillet. Le projet de loi C-32 voit à ce que de l'argent soit mis à la disposition des étudiants emprunteurs après cette date et à ce qu'il n'y ait pas d'interruption de service.

Je veux donner aux honorables sénateurs et aux étudiants l'assurance qu'aucun changement important ne sera apporté au programme. Les étudiants ayant déjà consolidé leurs emprunts et commencé à les rembourser ne seront absolument pas affectés. Cette mesure doit également être adoptée sans délai afin que le nouveau programme soit en place le 1er août pour les étudiants qui ont besoin d'aide financière au cours de l'année scolaire 2000-2001.

Une troisième mesure a trait à la prestation fiscale pour enfants et doit être en place avant le 1er juillet. À titre d'information, le budget de l'an 2000 rétablit intégralement l'indexation du système d'imposition du revenu des particuliers à compte du 1er janvier 2000. L'indexation profitera surtout aux Canadiens à revenu faible et moyen en raison de la dérive fiscale, et aussi parce que ce sont les contribuables qui en général ont droit à la Prestation fiscale canadienne pour enfants et au crédit pour TPS. Le ministre a dit dans son discours du budget:

Je n'ai pas besoin de rappeler aux députés de cette Chambre comme il est coûteux d'élever des enfants. Demandez à n'importe quel parent le prix d'une nouvelle paire de chaussures ou d'un habit de neige. Demandez-lui si son enfant pratique un sport ou apprend la musique. Demandez-lui s'il épargne pour les études de ses enfants.

La Prestation fiscale canadienne pour enfants a pour objet d'aider à faire face à ces coûts.

Comme les honorables sénateurs le savent, la prestation fiscale canadienne pour enfants se divise en deux, soit les prestations de base pour les familles à revenu faible ou moyen, et le supplément de la Prestation nationale pour enfants pour les familles à faible revenu. Pour aider les familles à faire face aux dépenses supplémentaires entraînées par l'éducation des enfants, le projet de loi C-32 accroît les prestations de 2,5 milliards de dollars par année d'ici l'an 2004. Le gouvernement veut augmenter la prestation maximale pour le premier enfant à 2 400 $ et celle accordée pour le deuxième enfant à 2 200 $ d'ici l'an 2004.

Grâce à ce projet de loi, la Prestation fiscale canadienne pour enfants sera entièrement indexée. La prestation de base et le supplément de la prestation nationale seront accrus au delà de l'indexation prévue. On relèvera le seuil du revenu à partir duquel la prestation de base est réduite et le supplément de la prestation nationale est progressivement éliminée. On réduira le taux de réduction pour la prestation de base. Ces améliorations profiteront à neuf enfants canadiens sur dix.

À l'heure actuelle, la Prestation fiscale canadienne pour enfants profite surtout aux Canadiens à faibles revenus. Ces nouvelles mesures accroîtront ces avantages et permettront aux familles à revenus moyens d'en profiter davantage. Une famille ayant deux enfants et dont le revenu se situe à environ 60 000 $ par exemple verra ses prestations augmenter de plus du double, passant de 733 $ qu'elles étaient avant l'adoption du budget de l'an 2000 à 1 541 $ en 2004.

Honorables sénateurs, les familles canadiennes à faibles et moyens revenus comptent sur les augmentations de la Prestation fiscale canadienne pour enfants et de l'indexation des crédits pour TPS. Assurons-nous qu'ils pourront compter sur ces prestations en adoptant ce projet de loi sans délai.

Cette mesure législative comprend également d'autres mesures qui portent sur la famille. Le budget de 2000 fait beaucoup pour ceux qui ont un nouveau-né ou qui adoptent un enfant. Il prolonge le congé parental couvert par l'assurance-emploi, en assouplit les règles et facilite l'accès aux prestations. À l'heure actuelle, y compris le délai de carence normal de deux semaines avant de recevoir des prestations, le programme d'AE prévoit jusqu'à six mois de prestations pour congé de maternité et congé parental. Cela correspond à 15 semaines de congé de maternité en raison de l'accouchement et 10 semaines de congé pour les parents adoptifs et biologiques.

Aux termes du projet de loi C-32, le congé lié à l'arrivée d'un enfant sera doublé pour passer à un an. Le congé parental, qui peut être demandé par l'un ou l'autre des parents ou partagé par eux, sera désormais de 35 semaines. Si l'on ajoute au congé parental le congé de maternité de 15 semaines et le délai de carence normal de deux semaines, le congé lié à l'arrivée d'un enfant sera d'une année complète.

De plus, honorables sénateurs, le projet de loi C-32 rend les prestations de maternité et les prestations parentales plus accessibles en ramenant de 700 à 600 le nombre d'heures d'emploi assurable donnant droit à une prestation spéciale. En outre, les parents auront plus de flexibilité pour décider lequel des deux, sinon les deux, restera à la maison pour prendre soin d'un nouveau-né ou d'un enfant nouvellement adopté, le délai de carence applicable à chaque naissance ou adoption étant ramené à un au lieu de deux comme c'est présentement le cas. Les parents auront aussi le droit de travailler à temps partiel pendant qu'ils reçoivent des prestations parentales, ce qui permettra aux mères de retourner progressivement au travail et de maintenir leurs compétences et leurs relations professionnelles tout en étant en congé. Enfin, le revenu gagné par la famille pendant qu'elle touche des prestations parentales sera traité de la même façon que les prestations régulières d'AE.

Je dois signaler que ce projet de loi modifie aussi le Code canadien du travail afin de protéger les emplois des personnes travaillant dans des secteurs relevant du gouvernement fédéral pendant leur congé parental prolongé.

Une autre disposition du projet de loi C-32 touche directement aux régimes de pension agréés et aux régimes enregistrés d'épargne-retraite, qui sont les principales sources du revenu de retraite des Canadiens à revenu moyen. Avant le budget de l'an 2000, plusieurs organismes, dont le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, le Comité sénatorial permanent des banques et l'Institut des fonds d'investissement du Canada, avaient demandé au gouvernement de réexaminer le plafond actuel des placements étrangers autorisés dans un RPA et dans un REER. Dans le discours du budget, le ministre a dit ceci:

[...] dans toute société, il est primordial de disposer d'un revenu adéquat lors de la retraite. La diversification des REER et des régimes de pension agréés contribue de façon importante à garantir un tel revenu.

(1750)

Le projet de loi C-32 fait passer la limite des éléments étrangers de 20 p. 100 à 25 p. 100 pour 2000 et à 30 p. 100 pour 2001. Ces augmentations offriront de meilleures possibilités aux Canadiens pour diversifier leurs investissements d'épargne-retraite dans des REER et des RPA.

J'aimerais également souligner que ces augmentations s'appliquent aussi aux placements gérés par l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada.

Honorables sénateurs, le Régime de pensions du Canada...

Son Honneur le Président pro tempore: Je suis désolée de vous interrompre, sénateur Mahovlich, mais j'aimerais attirer l'attention des sénateurs sur l'heure. Il est six heures.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Puis-je demander aux honorables sénateurs et à vous, Votre Honneur, que nous ne tenions pas compte de l'heure afin de pouvoir poursuivre? Je ne sais pas combien de temps cela prendra, mais j'espère que ce ne sera pas trop long. Ce sera la manière la plus efficace de terminer notre travail d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour ne pas voir l'heure?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Mahovlich: Honorables sénateurs, le Régime de pensions du Canada sera également modifié si ce projet de loi est adopté.

Les provinces ont emprunté de l'argent au Régime de pensions du Canada. Le projet de loi C-32 répond à une demande des provinces, acceptée par les ministres fédéral et provinciaux des Finances, en décembre dernier, dans le cadre de l'examen triennal du RPC, d'une option de prépayer leurs emprunts au RPC. Les provinces seront maintenant autorisées à prépayer leurs obligations du RPC avant qu'elles n'arrivent à maturité, sans aucun coût pour le Régime de pensions. Cela apportera aux provinces ayant des excédents financiers une certaine flexibilité pour trouver des moyens de réduire leur dette. Cela signifie également que plus de fonds seront transférés à l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et investis sur le marché à des taux de rendement attendus plus élevés.

La Loi sur les mesures spéciales d'importation sera également modifiée si le projet de loi C-32 est adopté. Ces modifications vont faire concorder les lois canadiennes sur les droits compensateurs avec l'Accord relatif aux subventions et mesures compensatoires de l'Organisation mondiale du commerce, étant donné les récents changements qui y ont été apportés.

L'Accord de l'OMC sur les subventions contenait des dispositions qui mettaient certaines subventions étrangères respectant des critères très précis à l'abri de mesures d'imposition de droits compensateurs. Ces dispositions touchant les subventions à l'abri de telles mesures sont devenues caduques le 31 décembre 1999 lorsque les pays membres de l'OMC n'ont pas réussi à s'entendre sur leur reconduction. Les modifications dont nous sommes saisis aujourd'hui permettront de suspendre l'application des dispositions de la Loi sur les mesures spéciales d'importation qui donnent effet à ces dispositions de la loi canadienne touchant les subventions à l'abri de mesures compensatoires. Ces modifications rendront la loi canadienne sur les droits compensateurs compatible avec les changements apportés récemment à l'OMC et feront en sorte que le Canada ne traite pas ses partenaires commerciaux plus favorablement qu'ils ne nous traitent dans les enquêtes en matière de droits compensateurs.

Passant maintenant au dossier de l'impôt des premières nations, le budget 2000 marque la quatrième fois que le gouvernement se dit prêt à conclure des accords fiscaux avec les premières nations intéressées.

À l'heure actuelle, la bande de Cowichan, la première nation de Westbank, la bande Kamloops et la bande de Sliammon imposent toutes des taxes sur la vente de certains produits dans les réserves. Des accords sur la perception et le partage de l'impôt sur le revenu des particuliers avec les sept premières nations autonomes du Yukon entreront également en vigueur maintenant.

Le projet de loi permettra à 13 premières nations d'imposer une taxe de vente de 7 p. 100 équivalant à la TPS sur le carburant, l'alcool et les produits du tabac vendus dans leurs réserves. La taxe de vente des premières nations sera perçue par l'Agence des douanes et du revenu du Canada. De plus, le gouvernement fédéral évacuera le champ d'application de la TPS là où s'applique la taxe de vente des premières nations.

D'autres premières nations intéressées pourront maintenant bénéficier du même régime au moyen d'un décret.

La dernière mesure dans le projet de loi C-32 modifie la Loi sur la taxe d'accise.

Bien que l'on constate généralement un degré élevé d'observation volontaire des exigences de déclaration et de versement de la TPS/TVH, il y a des cas où le recouvrement des recettes fiscales peut parfois être compromis si on accorde à un inscrit le délai habituel de versement. Jusqu'à présent, l'ADRC ne pouvait pas établir une cotisation et prendre des mesures de recouvrement lorsqu'elle soupçonnait une évasion fiscale dans ces circonstances.

Grâce au projet de loi C-32, le ministre du Revenu national aura maintenant le pouvoir de prendre immédiatement des mesures dans ces cas-là. Sur présentation d'une requête ex parte - sans préavis - le ministre pourra obtenir une autorisation judiciaire pour établir une cotisation et prendre des mesures de recouvrement dans les cas où l'octroi aux inscrits du délai habituel de versement risquerait de compromettre le recouvrement de recettes fiscales. L'inscrit aura le droit de demander une révision judiciaire de la décision du tribunal.

Je souligne que la Loi de l'impôt sur le revenu comprend une disposition semblable concernant le recouvrement de l'impôt.

En conclusion, honorables sénateurs, les mesures contenues dans le projet de loi C-32 s'inspirent de cette nouvelle force dont le ministre a parlé dans le cadre du budget 2000 et elles sont conçues pour améliorer la qualité de vie des Canadiens.

Aucune de ces mesures n'est controversée. Comme je l'ai dit plus tôt, il est important que ce projet de loi soit adopté sans délai, car trois mesures doivent être mises en oeuvre immédiatement. Tout d'abord, il est essentiel que l'argent provenant du TCSPS, dont on a grand besoin, soit injecté dans le système de santé le plus rapidement possible pour répondre aux besoins pressants des Canadiens. Ensuite, pour que les prestations fiscales bonifiées pour enfants et les prestations de TPS indexées entrent en vigueur le 1er juillet, la loi doit être adoptée avant la fin de juin. Enfin, il doit y avoir de l'argent disponible dans le cadre du Programme de prêts aux étudiants pour ceux qui seront aux études en septembre.

Le budget de 2000 a tenu les promesses faites par le ministre des Finances: aider les familles à revenu faible ou modeste ayant des enfants, aider les systèmes de soins de santé et d'éducation postsecondaire et aider les étudiants qui veulent poursuivre des études supérieures.

Il est maintenant temps de mettre en oeuvre ces mesures. Ne retardons pas cette aide. Les Canadiens dans le besoin attendent.

J'exhorte tous les honorables sénateurs à adopter rapidement cette mesure législative.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je vais tout d'abord reconnaître, comme le sénateur Mahovlich l'a précisé à plusieurs reprises dans son discours, que ce projet de loi doit être adopté rapidement. Le gouvernement veut obtenir la sanction royale avant que nous n'ajournions plus tard ce mois-ci, afin qu'il puisse verser des prestations fiscales accrues en juillet et pour que les prêts étudiants puissent être traités en vertu des nouvelles règles à compter du mois d'août. Mon parti ne s'oppose pas à la plupart des mesures précises contenues dans ce projet de loi.

Cependant, le problème réside dans la façon dont ces mesures cadrent dans la situation d'ensemble. Oui, le gouvernement va améliorer les prestations parentales au titre de l'assurance-emploi. Le fait de permettre à de nouveaux parents

de passer plus de temps avec leurs enfants peut être une bonne chose, mais cela ne justifie pas que le gouvernement continue de percevoir chaque année des cotisations d'assurance-emploi supérieures de 6 milliards de dollars aux prestations qu'il verse.

Le projet de loi fait effectivement passer à 30 p. 100 le plafond de 20 p. 100 applicable aux biens étrangers pouvant être détenus dans le cadre d'un régime de retraite ou d'un régime pension au cours des deux prochaines années, permettant ainsi aux Canadiens de mieux diversifier leurs investissements. Comme l'a dit le sénateur Mahovlich, c'est une chose que le Comité sénatorial des banques réclame depuis des années. Plusieurs sénateurs de notre côté la réclament depuis des années lors de la période des questions. Cependant, cela ne justifie pas le fait que le gouvernement continue d'appliquer des politiques qui incitent les Canadiens à investir ailleurs qu'au Canada. Inutile pour les Canadiens et leurs gouvernements de se demander pourquoi, ces dernières années, les compagnies étrangères ont rapporté plus aux investisseurs que les compagnies canadiennes. Inutile de se demander pourquoi les autres pays sont souvent des endroits plus attrayants pour investir et pourquoi ils créent des emplois bien rémunérés. Les réponses à ces questions, on les connaît: les impôts, la productivité, l'état de la recherche et du développement, les règlements excessifs, et un premier ministre qui ne comprend rien à la nouvelle économie. Voilà les principales raisons.

(1800)

J'ai des nouvelles pour le premier ministre. Nous ne sommes plus dans les années 60 où les taux d'imposition avaient nettement moins d'importance qu'ils n'en ont aujourd'hui, où les barrières tarifaires permettaient d'être aussi peu concurrentiels qu'on le voulait, et où la puce n'était encore qu'un insecte. Grâce à l'ancien premier ministre Mulroney et à l'Accord de libre-échange, les barrières tarifaires sont en train d'être éliminées.

Honorables sénateurs, le projet de loi augmente les prestations fiscales canadiennes pour enfants et les prestations nationales pour enfants. Ce sont là de bonnes nouvelles. Comme je l'ai expliqué dans le cadre de mon exposé budgétaire, le taux de récupération pour les prestations accordées au titre de la prestation nationale pour enfants est également augmenté. Si l'on fait le compte de ce que représentent ces dispositions et de la note fiscale d'une famille manitobaine comptant quatre enfants et gagnant 31 000 $, on s'aperçoit que presque 90 cents de chaque dollar touché en revenu complémentaire sont récupérés par suite du remaniement de ce programme. Pour en revenir à l'exemple du Manitoba, le montant à verser comprend le nouveau taux fédéral d'imposition intermédiaire de 24 p. 100, le taux manitobain intermédiaire de 15,6 p. 100, le taux de récupération de 1 p. 100 de la réduction fiscale accordée par le Manitoba aux familles, le taux de récupération de 33,4 p. 100 de la prestation nationale pour enfants, le taux de récupération de 5 p. 100 de la prestation fiscale canadienne pour enfants, le taux de récupération de 5 p. 100 du crédit pour TPS et la récupération d'environ 5 p. 100 des crédits d'impôt accordés pour le Régime de pensions du Canada et l'assurance-emploi. Cela paraît plutôt ridicule.

Lorsque nous irons au comité, je souhaite qu'un fonctionnaire m'explique pourquoi le gouvernement cumule ce type de mécanismes de récupération chaque fois qu'il met en place un nouveau programme. Il doit certainement être possible d'élaborer des programmes sans avoir à dépouiller les individus et à les décourager du travail. Effectivement, grâce à ce projet de loi, le gouvernement contribue au titre des soins de santé 2,5 milliards de dollars sur quatre ans. Il en résulte que la contribution annuelle du gouvernement pour les soins de santé et l'éducation ne sera inférieure que de 4 milliards de dollars de dollars à ce qu'elle était en 1993. Par conséquent, il n'y a pas de quoi se vanter; le manque à gagner est relativement important.

Nous sentons-nous plus confiants à l'égard de l'avenir de notre système de soins de santé qu'avant le budget? Jusqu'à maintenant, les sondages révèlent que les Canadiens ne sont pas plus confiants. Notre système est en crise et le gouvernement n'y verse pas les fonds nécessaires et rejette toute proposition de solution. Pourtant, ce projet de loi prévoit le rétablissement de la pleine indexation du régime fiscal. Le gouvernement nous dit que cette mesure constitue un allègement fiscal, mais, en réalité, ce projet de loi vient annuler une hausse d'impôt de 1,3 milliard de dollars prévue pour cette année et de 2,2 milliards de dollars pour l'an prochain. En tant que contribuables, compte tenu de l'inflation, nous serons essentiellement dans la même situation que nous l'aurions été sans inflation, et le Canada sera toujours un pays où des travailleurs sont imposés sur un revenu qui se situe en dessous du salaire minimum. Imaginez qu'on impose votre revenu alors que vous gagnez le salaire minimum? C'est incroyable. L'indexation a pour effet d'augmenter le montant de l'exemption personnelle de base d'un gros cent dollars. Cela représente une économie d'impôt de 17 $ par mois, ou environ 33 cents par semaine. Ce n'est même pas suffisant pour acheter un café. Cent dollars, n'est-ce pas merveilleux? Les sénateurs d'en face pensent qu'il faut le crier sur les toits. Je ne crois pas.

Les travailleurs canadiens continueront d'être imposés sur un revenu aussi bas que 7 231 $. Dites-moi donc quel est le seuil de pauvreté? Je crois qu'il est considérablement plus élevé. Le temps n'est-il pas venu de cesser d'imposer les pauvres? On pourrait au moins relever le seuil à 10 000 $ ou 12 000 $ pour donner une chance à ces gens. Ce serait une mesure crédible.

Honorables sénateurs, cent dollars par année, ce n'est rien, et 33 cents par semaine, c'est pire. Les sénateurs d'en face ne doivent pas être fiers de cela. Je sais qu'ils ne le sont pas. Faites donc quelque chose!

Honorables sénateurs, à la mi-mai, on a révélé que, lorsque les registres de l'année financière 1999-2000 ont été fermés et que tous les trucs de comptabilité ont été utilisés, l'excédent de l'année dernière se situait à 8 milliards de dollars. Tout juste trois mois auparavant, lorsque le ministre des Finances a présenté son budget, on nous avait dit de nous attendre à un excédent de seulement 3 milliards de dollars, et uniquement si la réserve pour éventualités n'était pas nécessaire. Nous ne devrions pas être trop étonnés. Le gouvernement et le ministre des Finances sont réputés pour faire croire que les finances sont pires qu'elles ne le sont en réalité, puis d'utiliser ce prétexte pour sous-financer les soins de santé, augmenter les cotisations à l'assurance-emploi et retarder d'importantes réductions d'impôt. Il est incroyable qu'en mai le gouvernement ait soudainement découvert qu'il disposait de 5 milliards de dollars de plus qu'il croyait avoir en février. On peut présumer que les recettes de cette année et de l'année prochaine seront supérieures de 5 milliards de dollars aux prévisions, puisque l'assiette fiscale est plus élevée que prévu.

Étant donné les fonds disponibles, la plus grande lacune de ce projet de loi, c'est qu'il ne fait pas assez pour améliorer notre régime de santé et pour rendre notre régime fiscal concurrentiel. Nous pouvons avoir notre régime de santé et un régime fiscal concurrentiel, mais nous devons faire plus que mettre en oeuvre les timides mesures proposées dans ce projet de loi.

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Mahovlich, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Les travaux du Sénat

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je suis tout à fait disposé à parler de l'article 1 inscrit sous la rubrique «Projets de loi d'intérêt public du Sénat», mais je peux certainement reporter cela à demain ou à jeudi car les familles et les amis de nos deux nouveaux collègues les attendent. Selon la tradition, ils sont reçus à l'appartement du Président. Je ne voudrais pas être responsable du retard. Je prie donc le leader adjoint de présenter une motion d'ajournement maintenant, à moins que des affaires pressantes soient inscrites à l'ordre du jour sans que je le sache.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, voilà une invitation qu'on ne saurait refuser. Cependant, il y a certains articles que nous, de ce côté, aimerions étudier dès maintenant, à savoir les projets de loi C-445 et C-473 inscrits sous: «Projets de loi d'intérêt public des Communes», le second se rapportant au changement de nom de circonscriptions, ainsi qu'une motion du sénateur Chalifoux qui voudrait embaucher du personnel pour faire avancer les travaux de son comité.

(1810)

Si nous pouvons passer immédiatement à ces articles, ensuite je crois que nous devrions accepter l'excellente proposition du sénateur Lynch-Staunton. Je présenterai la demande appropriée après l'étude des articles 2 et 3 sous la rubrique «Projets de loi d'intérêt public des Communes».

Projet de loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Rimouski-Mitis

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Robichaud, c.p. (Saint-Louis-de-Kent), portant deuxième lecture du projet de loi C-445, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Rimouski-Mitis. -(L'honorable sénateur Kinsella).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je parlerai brièvement de ce projet de loi. Le projet de loi C-445 est une mesure lamentable. L'urgence que mon collègue, le leader adjoint du gouvernement, semble attacher à un projet de loi visant à modifier le nom d'une circonscription est pour moi une source d'amusement. Je ne vois pas l'urgence de la question; toutefois, s'il dit que ce projet de loi est urgent, je veux bien le croire.

Le sénateur Tkachuk: Ils veulent dresser une nouvelle carte électorale.

Le sénateur Kinsella: Je désire, honorables sénateurs, parler de quelques problèmes sérieux. Le Canada compte 301 circonscriptions et au moins 45 circonscriptions ont changé de nom depuis le dernier remaniement de la carte électorale. Un mathématicien saura établir le pourcentage des circonscriptions qui ont ainsi changé de nom.

La question qui nous vient à l'esprit, c'est de savoir si le changement de nom a des répercussions. Dans l'affirmative, quelles répercussions a le changement du nom d'une circonscription. Par exemple, engendre-t-il des coûts? En coûte-t-il quelque chose de changer le nom d'une circonscription?

Mes recherches m'ont appris qu'il en coûte effectivement cher de modifier le nom d'une circonscription. Élections Canada doit non seulement dresser une nouvelle carte électorale, mais il doit également imprimer des errata concernant des publications précédentes. D'autre part, de nombreux ministères et organismes gouvernementaux doivent tenir compte des modifications dans leurs publications. Au Sénat comme dans l'autre endroit, le changement du nom d'une circonscription comporte des coûts, parce qu'il faut réimprimer divers documents.

En définitive, honorables sénateurs, on ne peut pas dire que la modification du nom d'une circonscription n'entraîne pas de coûts.

La question du matériel technologique utilisé par Élections Canada pose également un problème, dans la mesure où ce matériel ne peut imprimer de noms comportant plus de 50 lettres.

Nous l'avons appris de M. Kingsley lorsqu'il a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, en février 1999. Il nous a déclaré que la modification du nom d'une circonscription électorale a des répercussions sur le plan administratif. Il a par exemple attiré notre attention sur les lignes directrices du Comité permanent canadien des noms géographiques. Un changement de nom doit correspondre aux exigences de ce comité.

Afin de donner du poids à mon premier argument, M. Kingsley a également déclaré qu'il semblait y avoir une augmentation du nombre de demandes de changement de nom. Lorsqu'il a comparu devant notre comité en février 1999, 41 noms de circonscriptions électorales avaient été changés.

M. Kingsley a également déclaré qu'il avait observé une autre tendance dans les trois dernières ordonnances de représentation. En effet, les commissions choisissent des noms plus longs. Cela finit par poser des problèmes parce que le matériel qu'ils utilisent ne peut pas accepter plus de 50 caractères. Changer ce matériel entraîne des coûts élevés.

M. Kingsley a également formulé quelques observations sur les répercussions administratives des changements de nom. Après la promulgation des nouveaux noms, qui donne effet aux ordonnances de représentations, la loi oblige Élections Canada à imprimer le plus rapidement possible des cartes géographiques du Canada. Il a mentionné plusieurs autres conséquences des changements de noms. Je ne m'éterniserai pas là-dessus. Nous pouvons nous reporter au rapport du comité.

Je voudrais mentionner une dernière chose au sujet du projet de loi. Une des circonscriptions dont on propose de changer le nom se trouve en Ontario, où les circonscriptions provinciales correspondent aux circonscriptions fédérales. On me dit que, dans la région de Toronto, les quartiers ainsi que les circonscriptions fédérales et provinciales sont plus ou moins symétriques. Un changement de nom peut donc avoir des répercussions au niveau provincial, mais aussi au niveau municipal. Le comité qui examine le projet de loi devrait se pencher sur ces questions.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella pose une bonne question. Pourquoi voulons-nous accélérer l'étude du projet de loi? La réponse ne plaira peut-être pas à tous les sénateurs, mais elle est fondée sur les meilleurs renseignements que j'ai reçus après avoir posé la même question aux fonctionnaires. J'aborde les deux sujets à la fois, même si je parle en ce moment même de l'article 2 sous la rubrique «Projets de loi d'intérêt public des Communes».

Si ces circonscriptions devaient changer de nom, il serait préférable que les changements soient connus avant l'ajournement d'été. Si la question était repoussée et que les noms n'étaient modifiés qu'à l'automne, il faudrait réimprimer des cartes, ce qui représente une grosse dépense. C'est la raison que l'on m'a donnée en me demandant que nous nous occupions de ces affaires maintenant. On veut que nous fassions diligence pour éviter des dépenses supplémentaires au directeur général des élections.

Quant à la question du nombre de caractères, je crois que le sénateur Kinsella a raison. À ma connaissance, aucun des nouveaux noms proposés dans ces deux projets de loi n'excède le nombre de caractères qui entraînerait des dépenses supplémentaires.

(1820)

Je prends note de l'observation du sénateur Kinsella où il dit que la province de l'Ontario a adopté les mêmes limites de circonscription que celles des circonscriptions fédérales, ainsi que le même nombre de députés. Ce ne sont pas des initiatives ministérielles, mais, du côté du gouvernement, nous les appuyons pour les raisons que j'ai mentionnées. Il y a des objections et l'adoption du projet de loi n'est pas certaine.

Les observations que j'ai faites portent en réalité sur les deux projets de loi même si le débat porte actuellement sur l'un d'eux. Le sénateur Rompkey est le parrain des deux projets de loi et je voudrais que nous passions maintenant à la deuxième lecture de ces projets de loi pour qu'ils soient renvoyés au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Français]

Projet de loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Austin, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-473, Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, en vertu du projet de loi C-473, 12 circonscriptions électorales verront leur nom changer. Le sénateur Kinsella a parlé des principes qui gouvernent ces changements de nom.

J'ai deux points à faire valoir: le premier concerne la longueur des noms. J'inviterais le leader adjoint du gouvernement dans cette Chambre à recompter les caractères utilisés dans le changement du nom de Verdun-Saint-Henri-Saint-Paul-Pointe Saint-Charles. Le directeur général des élections a dit devant le comité de l'autre Chambre qu'il faut aussi compter les espaces et les traits d'union du nom de la circonscription. Lorsqu'on additionne tous les caractères de ce nouveau nom, on arrive à 56 caractères. Selon le témoignage de M. Kingsley devant le comité de l'autre endroit, ce changement occasionnera une dépense d'un demi-million de dollars.

Il existe aussi un autre phénomène à ne pas sous-estimer. Il s'agit de la similarité des noms et des limites géographiques existant en Ontario. Dans la région de Toronto, les quartiers de la méga-ville de Toronto qui suivent les limites géographiques des comtés fédéraux et des comtés provinciaux portent tous le même nom.

Prenons les cas du comté de Charlesbourg dans la région de Québec et celui du comté de Carleton-Gloucester dans la région d'Ottawa. Deux députés ont vraiment pris au sérieux un des principes de base qui permet à la population de créer un sentiment d'appartenance au sein de la communauté locale, et au député de s'identifier plus facilement auprès de cette communauté. Si le projet de loi est adopté, le comté de Charlesbourg s'appellera dorénavant Charlesbourg-Jacques-Cartier, alors que le comté de Carleton-Gloucester s'appellera Ottawa-Orléans. Dans ces deux cas, les députés ont entrepris un très long processus de consultation. Le député de Charlesbourg a fait parvenir à 45 000 personnes de son comté, un sondage pour déterminer lequel des noms est le plus populaire. Il a consulté le député provincial, les maires et les représentants des organismes paramunicipaux, même si la loi ne l'y oblige pas. Ils en sont venus à un consensus qu'on retrouve dans le projet de loi C-473. J'appuie donc cette modification avec beaucoup d'empressement. La même chose s'est produite dans le cas du comté actuel de Carleton-Gloucester, où le député Bellemare a lui aussi consulté ses électeurs, les maires de la région, les professeurs, ainsi que le député provincial. Le résultat de ces consultations l'a amené à proposer une modification au nom de son comté qui s'appellera dorénavant Ottawa-Orléans. Là où le bât blesse, c'est lorsque le député fédéral Dennis Mills, dans le comté de Broadview-Greenwood, n'a consulté personne et fait pire encore en annonçant dans les journaux locaux un événement dans son comté, sous le vocable du nouveau nom du comté. La moindre politesse l'aurait amené à consulter le député provincial ou au moins à entretenir avec lui un minimum de relations cordiales, ce qu'il n'a pas fait du tout.

J'ai reçu de la correspondance du député provincial et de certains électeurs du député Mills se plaignant de son attitude cavalière. J'ai bien l'intention en comité d'interroger M. Mills pour qu'il nous explique pourquoi il a agi de la sorte. De quel droit peut-il annoncer le nouveau nom du comté dans le cadre d'un événement qui avait lieu le 29 avril dernier, donc avant l'adoption du projet de loi C-473 par le Parlement? Le rôle du Sénat est d'examiner tous ces projets de loi. Monsieur Dennis Mills se fout de tout le monde, même du Sénat, car le nom de son comté a déjà été changé. Il n'est donc pas question que j'accepte cela aveuglément.

L'honorable Fernand Robichaud: Il ne voulait pas dépenser d'argent.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, j'inviterais M. Mills à comparaître en comité afin qu'il nous explique pourquoi il a agi de la sorte. Suite à son témoignage, nous verrons s'il y a lieu d'autoriser la modification du nom de son comté. Dans le cas de Charlesbourg et d'Ottawa-Orléans les modifications sont respectueuses de la population. Cependant, dans le cas de Broadview-Greenwood, M. Mills a échoué le test de la civilité et de la politesse. Il faut qu'il vienne s'expliquer.

[Traduction]

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Nolin a soulevé un certain nombre de questions que le comité auquel ce projet de loi est renvoyé devrait examiner. C'est là qu'il convient, pour nous, d'étudier ces questions. Je n'ai rien d'autre à ajouter sinon que j'exhorte les sénateurs à renvoyer le projet de loi au comité.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Les peuples autochtones

Autorisation au comité d'examiner les possibilités d'accroître le développement économique des parcs nationaux dans le Nord

Permission ayant été accordée de passer à la motion no 74:

L'honorable Thelma J. Chalifoux, conformément à l'avis du 7 juin 2000, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les possibilités d'accroître le développement économique, y inclus le tourisme et l'emploi, associées aux parcs nationaux du nord du Canada, en respectant les paramètres des accords existants sur des revendications territoriales globales et d'autres accords connexes avec les peuples autochtones et en conformité des principes de la Loi sur les parcs nationaux; et

Que le comité présente son rapport au plus tard le 15 décembre 2000.

(La motion est adoptée.)

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, propose:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 14 juin 2000, à 13 h 30;

Que, à 15 h 30 demain, si le Sénat n'a pas terminé ses travaux, le Président interrompe les délibérations pour ajourner le Sénat;

Que, si un vote est différé à 17 h 30 demain, le Président interrompe les délibérations à 15 h 30 pour suspendre la séance jusqu'à 17 h 30 pour la mise aux voix du vote différé; et

Que tous les points figurant à l'Ordre du jour et au Feuilleton des avis, qui n'ont pas été abordés, demeurent dans leur ordre actuel.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 14 juin 2000, à 13 h 30.)


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